Editorial

Presque deux mois après la votation sur les minarets, nous attendons toujours les catastrophes qui devaient conduire les Suisses à regretter amèrement le large «oui» à l’initiative de l’UDC et de l’UDF. Certes, il paraît que l’image de la Suisse à l’étranger est désastreuse, mais ceux qui nous le disent sont aussi ceux qui nous prédisaient l’isolement politique et la ruine économique après le fameux 6 décembre 1992, date du «non» à l’entrée de la Confédération dans l’Espace économique européen. Hélas pour eux, la Suisse va bien, merci.

Il y a eu, cependant, une retombée inattendue: la Société suisse de radiodiffusion et télévision (SSR) a décidé de ne plus publier, provisoirement du moins, les sondages de l’institut gfs.berne, lequel avait annoncé à deux reprises le rejet de l’initiative anti-minarets par 53% des votants, ce qui avait, évidemment, induit les médias, notamment audiovisuels, à prédire aux «racistes» une débâcle aussi humiliante que méritée. L’humiliation ayant été au rendez-vous mais pas du bon côté, il fallait trouver un bouc émissaire.

Il est vrai que l’erreur est énorme, puisque les opposants ne furent que 42,5%, mais la SSR se trompe de cible: le meilleur institut de sondage ne peut rien faire si les «sondés» ne disent pas la vérité. Il se peut que gfs.berne ait sciemment, spontanément ou sur ordre, faussé les données dans le but d’infléchir le résultat du vote. Nous savons tous que les sondages sont souvent un instrument de propagande. Mais il est aussi fort possible que certaines des personnes interrogées, sachant, pour lire leur journal, écouter la radio ou regarder la télévision, qu’il peut être fort dangereux d’exprimer des opinions jugées xénophobes ou racistes aient tout simplement menti au brave jeune homme ou à la charmante dame qui les questionnait.

A notre avis, le résultat du vote a surpris, voire stupéfié, tout le monde, à commencer par les auteurs de l’initiative, parce que personne n’avait perçu l’ampleur de la crainte du public face à la loi antiraciste. Certes, la majorité de nos concitoyens seraient bien en peine de dire que le bâillon porte le doux nom d’article 261 bis du code pénal. Mais ils savent que des gens sont punis, parfois très sévèrement, pour avoir déparlé en présence de quelque grande conscience démocratique. Pourquoi donc prendraient-ils le risque d’avoir des ennuis? Il reste l’isoloir…

Mais la revanche dans l’isoloir n’est pas une solution satisfaisante. Il faut que les gens puissent dire ce qu’ils pensent en toute liberté, à condition de ne pas recourir à l’injure ou aux voies de fait. Rédigé principalement pour faire taire les révisionnistes, le 261 bis n’en réprime pas moins tous les cas réels ou supposés d’«[incitation] à la haineou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse». Aux yeux du monde bien-pensant, réclamer l’interdiction des minarets est une incitation à la haine et à la discrimination religieuse; l’expulsion des délinquants étrangers qui passera en votation avec un contre-projet est une mesure xénophobe et raciste tout comme le serait un refus des Vaudois lors du scrutin sur le vote des étrangers à l’échelon cantonal. Or le monde bien-pensant tient le haut du pavé et n’hésite pas à recourir aux plaintes pénales. Il est donc compréhensible que dans les débats et autres sondages qui émaillent les campagnes de votations, et dont les acteurs ne sont pas des partis ou des pourcentages de citoyens mais des individus, certains se laissent intimider par le risque d’ennuis personnels.

C’est pourquoi il faudrait remettre les bœufs devant la charrue et obtenir une fois pour toutes l’abolition de l’article 261 bis. Qui pourrait mieux que l’UDC, par souci de cohérence et aussi en raison de ses moyens, se lancer dans cette guerre contre le totalitarisme intellectuel, politique et pénal qui pourrit la vie d’honnêtes gens uniquement coupables de penser à contre-courant?

Mais il semble que ce combat ne soit pas profitable sur le plan électoral. En automne 2008, l’Action nationale lançait une initiative visant justement à l’abrogation de la loi antiraciste. Dans le courant de l’année 2008, nous avons envoyé des dizaines de lettres à des députés UDC de tous les échelons politiques, les exhortant à mettre les moyens de leur parti au service de cette cause. A ce jour, nous n’avons pas reçu une seule réponse, pas même un bête accusé de réception. Aussi est-ce avec étonnement que nous avons lu le 3 décembre dernier sur le site internet de Monsieur Oskar Freysinger, conseiller national UDC valaisan, que sa première priorité était l’abolition de l’article 261 bis.

L’initiative de l’Action nationale a récolté environ nonante mille signatures. Ce n’était pas assez, mais c’était tout de même beaucoup; c’était suffisant en tout cas pour que la presse accueille ce résultat avec une exquise discrétion.

Gageons cependant que si l’UDC était intervenue et nous avait refait le coup du mouton noir, nous serions en passe de voter sur le sujet. La Suisse aurait alors peut-être une chance de redevenir le pays de liberté que d’aucuns, naïfs, croient encore voir en elle.

Le Pamphlet

Thèmes associés: Politique fédérale - Révisionnisme

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