Editorial
«Réformés est un journal indépendant financé par les Eglises réformées suisses des cantons de Vaud, Neuchâtel, Genève, Berne et Jura. Soucieux des particularités régionales romandes, ce mensuel présente un regard protestant ouvert aux enjeux contemporains. Fidèle à l'Evangile, il s'adresse à la part spirituelle de tout être humain.»1
Dans son numéro 13 de février 2018, Réformés a apporté l'éclatante démonstration de son regard protestant ouvert aux enjeux contemporains et de sa fidélité à l'Evangile en produisant un dossier de huit pages, sans compter l'éditorial, consacré à la nécessité d'«accueillir la différence» face aux LGBTI, c'est-à-dire aux homosexuels des deux sexes, si l'on ose dire, aux bisexuels, aux transsexuels et aux intersexes. Le dossier est accompagné d'une photo représentant un homme noir couché les bras en croix et un homme blanc enlaçant le premier de manière que l'ensemble forme une croix, et complété par une «relecture» des Ecritures propre à tout justifier. Pour faire bon poids, la rédaction de Réformés a recueilli le témoignage d'un transsexuel, qui, ayant quitté son enveloppe de fille – au prix de 100'000 francs remboursés par l'assurance maladie! –, s'est mué non pas en homme hétérosexuel comme on aurait pu s'y attendre, mais en «transgenre homosexuel».
Le dossier, et plus particulièrement la photo, ont soulevé un tollé, en tout cas dans le canton de Vaud. Mais les auteurs n'en ont point été affectés, car «[les lecteurs indignés] sont majoritairement issus du milieu évangélique»2, c'est-à-dire, aux yeux des rédacteurs de Réformés, d'un milieu fondamentaliste, fermé à tout «accueil de la différence» et qui n'a donc pas voix au chapitre – merci pour l'Eglise évangélique réformée du Canton de Vaud et les autres Eglises réformées évangéliques de Suisse romande qui financent le journal. D'ailleurs, les textes bibliques cités par ces évangéliques obscurantistes ne méritent que dédain, comme l'écrit dans son éditorial Mme Marie Destraz évoquant le mariage pour tous et la facilitation des procédures pour changer de sexe, qui font leur chemin au niveau fédéral: «Peut-on alors décemment passer ces réalités sous silence, sous prétexte que le sujet reste sensible et que quelques versets de la Bible, condamnant l'homosexualité, font encore loi pour certains chrétiens?»
Qu'ils sont vilains, ces «certains chrétiens»!
Devant l'ampleur de la réaction, le Conseil synodal de l'Eglise évangélique réformée du Canton de Vaud s'est fendu, début février, d'un communiqué lénifiant, dans lequel il déplorait, en résumé, l'absence de consultation avant la publication du dossier, le «manque d'attention à une large partie du lectorat du magazine» dont témoigne le choix de la photo, le caractère unilatéral du traitement du sujet et le «[manque] d'ouverture au dialogue ou à la remise en question» des responsables du journal3. Pas un mot sur l'opportunité de traiter pareil sujet dans un journal confessionnel financé par les paroisses avec l'argent des paroissiens; pas un mot sur le fond; juste l'annonce d'«un courrier circonstancié à la rédaction du magazine et au conseil de gérance» et d'une demande de «mise au point dans les meilleurs délais».
On a un peu le sentiment que le Conseil synodal a tenté de calmer le jeu devant l'ampleur du désastre, mais qu'il n'aurait pas bougé si la réaction des protestants vaudois avait été moins explosive, et qu'il n'est pas improbable qu'une partie de ses membres au moins approuve la ligne de Réformés.
Or quelle est-elle, cette ligne? S'ils ne suffit pas d'un dossier malvenu pour la définir, il n'y a pas besoin de chercher plus loin que ce fameux Réformés numéro 13 de février pour s'en faire une petite idée. La page 8 est consacrée à une ancienne femme pasteur devenue écrivain et «croyante agnostique». On trouve en page 24 une bande dessinée, d'un goût plus que douteux, intitulée La vie moderne de Jésus et de son fidèle clou rouillé Clavius, que je juge personnellement blasphématoire – il est vrai que j'appartiens, Dieu me pardonne, à l'«aile évangélique» de l'Eglise évangélique réformée vaudoise. Enfin, en pages 26 et 27, on découvre un reportage sur «des réformés [qui] se rassemblent en silence sur la place Saint-François à Lausanne, pour exprimer leur solidarité envers les personnes persécutées pour leur religion». Une photo montre sept personnes assises en rang d'oignons sur des chaises, munies de pancartes exprimant notamment leur solidarité avec les coptes d'Egypte persécutés, avec les musulmans persécutés et avec… les athées persécutés.
Je ne vois pas d'inconvénient à ce qu'on porte aux nues une croyante agnostique dans un journal laïque, je puis concevoir qu'on crée des bandes dessinées faisant du Christ un chanteur de rue déjanté à Charlie-Hebdo, j'éprouve la plus grande compassion pour les persécutés et suis aussi d'avis que l'athéisme est, à sa façon, une religion. Je puis même tolérer que les rédacteurs d'un journal financé par des Eglises réformées prétendent faire réfléchir les sots que sont évidemment les protestants de ce pays. Mais je n'admets pas qu'un journal protestant soit laissé aux mains de rédacteurs qui ne sont pas des chrétiens au service de Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, mais des prêtres de l'idéologie des droits de l'homme; qui proposent l'ouverture à tout et n'importe quoi là où on a besoin de bienveillance et de compréhension envers des personnes; qui ignorent que tolérer signifie supporter et non pas approuver sans réserve; qui substituent la solidarité universelle, somme toute peu fatigante, à l'amour du prochain, autrement plus difficile à pratiquer.
Je pense que les homosexuels chrétiens doivent entrer dans nos églises. Je pense que les responsables de Réformés doivent en sortir.
Mariette Paschoud
1 https://www.reformes.ch/source/reformes-le-journal.
2 http://www.20min.ch/ro/news/suisse/story/La-photo-d-un-couple-gay-qui-agite-les-protestants-20863362.
3 https://mailchi.mp/e60b9960b967/eervflsh-no-253-avril-3488809?e=d2f53440fd.
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