Vers une Sixième République

La Constitution de la Ve République avait été taillée, en réaction au lamentable spectacle de la IVe, sur mesure pour le général de Gaulle. Elle accorde au président de la République plus de compétences et de pouvoir que n'en eut Louis XIV et les Français, dont la fibre monarchiste ne s'est pas éteinte à la Révolution – en témoigne l'épopée napoléonienne –, se sont accommodés d'être des sujets disciplinés jusqu'au référendum de 1969.

Les chefs de l'Etat qui se sont succédé depuis lors ont dû se glisser dans des costumes bien trop grands pour eux. Le président décide de tout, et le gouvernement n'est qu'un état-major, une réunion de chefs de services, une  cohorte de larbins chantant la gloire du gourou maître de la secte.

Le président décide de tout, même de la guerre, sans attendre l'approbation du Parlement, des taxes et des limitations de vitesse, de la politique extérieure et des accords économiques, de l'accueil des migrants et de leurs familles, du montant du SMIC et de l'indexation des pensions de retraite. S'il faut l'approbation des Chambres, il l'aura puisque l'Assemblée nationale est constituée d'une majorité de députés «marcheurs» sans aucune expérience et souvent sans aucune idée.

La révolte des «Gilets jaunes» comme celle naguère des «Bonnets rouges» a surpris le pouvoir, qui n'avait rien vu venir. Les sphères dirigeantes ont cru pouvoir imposer des surtaxes importantes sur le carburant, au motif de la transition écologique, de la lutte contre le réchauffement climatique anthropogénique et du développement durable, sans s'aviser que ces surtaxes étaient de nature à aggraver la paupérisation des plus humbles dans les campagnes, qui ne survivent que grâce à un emploi modeste qu'ils exercent à plusieurs dizaines de kilomètres de chez eux, alors même que les transports publics sont inexistants. Ils ont besoin de leur voiture.

Pire encore: alors qu'on avait longtemps vanté les mérites du diesel, moins cher et plus économique (en litres par 100 km parcourus), et qu'on encourageait les Français à acquérir des véhicules diesel, on leur annonce aujourd'hui que ces véhicules seront bientôt interdits de circulation. Ils deviennent donc parfaitement invendables. On console leurs propriétaires: on va leur accorder une prime lorsqu'ils feront l'achat d'un véhicule électrique neuf! Mais comment envisager d'acheter un nouveau véhicule lorsque la voiture actuelle vaut zéro et qu'on vit du SMIC à 1185 euros?

Ce n'est pas seulement la myopie et l'arrogance des élites qui a suscité l'insurrection du peuple contre le pouvoir. Le président a battu en retraite, mais trop tard. La crise est plus profonde, elle est institutionnelle. Le pouvoir est déconnecté, le Parlement est constitué de «godillots» qui n'ont pas la confiance des électeurs, même pas de ceux qui ont voté pour eux, les corps intermédiaires sont négligés, voire ignorés. Les départements n'ont rien à dire, tout se décide à Paris sans consultation.

Il y eut à Paris, ces derniers samedis (et principalement le 1er décembre), trois sortes de «manifestants»: la première couche constituée de «Gilets jaunes» venus de province proclamer leur colère, mais décidés à manifester sans violence, quoique bruyamment. Il n'est pas exclu que plusieurs manifestants de cette catégorie se soient laissé entraîner à quelques excès, sachant que les provinciaux détestent la morgue des Parisiens. Mêlés à eux, des casseurs entraînés, essentiellement issus de l'extrême gauche (Black Blocs, antifas) même si les commentateurs de la télévision nous les présentent comme venant de l'extrême-gauche et de l'ultra-droite, comme une fausse fenêtre pour la symétrie. La troisième couche est constituée des bandes ethniques de pilleurs venus des banlieues et qui profitèrent, le jour même, le lendemain et les jours suivants, de dévaliser les commerçants caillassés dans la plus totale indifférence des forces de l'ordre.

Ceux qui ont surpris des policiers parmi les casseurs, et qui les ont filmés exhibant lors de leur interpellation leur carte de police pour éviter les coups de matraque, ont supposé que le pouvoir avait encouragé les débordements, dans le but de déconsidérer dans l'esprit des braves gens ces «Gilets jaunes» responsables du désordre et des déprédations. Cette thèse n'est pas absurde: on a vu que le 1er décembre les personnes interpellées étaient des braves pères de famille, des commerçants, des travailleurs, mais que n'avait été arrêté aucun casseur! La police serait à ce point nulle ou aurait-elle reçu des instructions? En tout état de cause, l'alliance objective entre le gouvernement et les casseurs a été qualifiée de thèse complotiste, ou conspirationniste, désignation commode pour décrédibiliser et dénigrer ses adversaires.

Macron est un pur produit du mondialisme qui veut l'abandon des nations, le libre-échange universel, la gouvernance centralisée de l'Europe, puis du monde par les élites issues de l'ENA et de la banque. Les résistances sont le fait des racistes, des fascistes, des xénophobes, qui sont souvent, en plus, sexistes, homophobes et islamophobes, incapables de concevoir un grand projet pour la planète.

Mais les peuples ne sont pas constitués d'ex-banquiers de chez Rothschild, et de disciples de MM. Soros et Attali. Il y a des résistances à la mondialisation en Europe de l'Est, en Autriche, en Andalousie, en Italie, même en Allemagne… et maintenant en France! Il faudra que le pouvoir écoute et qu'il comprenne. Il faudra sans doute une nouvelle constitution, une VIe République rénovée, une sortie de l'Europe de Bruxelles et la création d'institutions qui accordent une place prépondérante aux provinces. C'est à dessein que je n'écris pas «aux départements» de la Révolution, mais aux provinces de l'ancien ordre politique.

Claude Paschoud

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