La liste était incomplète

Le nouveau chef de l'armée, le commandant de corps André Blattmann, scandalise les journalistes en imaginant les dangers qui pourraient menacer la Suisse et contre lesquels l'armée serait à même d'être engagée. Il aurait évoqué, par exemple, l'arrivée de nombreux réfugiés grecs fuyant le chaos suscité par la crise financière que traverse leur pays. Il aurait aussi envisagé des situations critiques liées à des troubles sociaux dans certains pays voisins tels que la France, ou encore la présence sur notre sol de talibans pakistanais cherchant à fabriquer des bombes atomiques ou chimiques.

La camarilla médiatique, appuyée par le préhistorique professeur Hans-Ulrich Jost, s'est aussitôt mise en branle pour railler et ridiculiser ce militaire qui «imagine la Suisse entourée d'ennemis». Quelle folie! Chacun sait que la Suisse n'a que des amis! Personne n'ignore que nos voisins européens encouragent le développement de notre place financière et appuient nos démarches pour faire libérer nos ressortissants pris en otage! Et à qui fera-t-on croire que des troubles sociaux pourraient survenir en France ou en Grèce, ou que des talibans pourraient être animés de mauvaises intentions à notre égard?

Le défaut de M. Blattmann, c'est sans doute son look. La thèse d'une Suisse «de plus en plus isolée» et «qui n'a plus d'amis» est vraie lorsqu'elle est propagée et ressassée par une clique de scribouillards «bobo-style», échevelés et mal rasés, avec veste de velours côtelé usée et sacoche en jute équitable; car ces gens-là se considèrent eux-mêmes comme des «visionnaires». La même thèse est en revanche fausse si elle est envisagée par un militaire de carrière portant l'uniforme, d'apparence soignée et s'exprimant dans le cadre de sa mission; un tel homme nous est alors dépeint comme un fou dérangé, obsédé par des fantasmes de guerre froide.

Peut-être M. Blattmann n'est-il pas un génie. Peut-être ne serons-nous jamais envahis par des cohortes de danseurs de sirtaki poursuivis par des banquiers teutons, ni par des tribus de sarrasins hexagonaux semant des minarets sur leur passage; et peut-être les compagnons d'Oussama entretenus par notre accueillant et généreux pays oublieront-ils leurs belliqueuses intentions. Il n'empêche que c'est le travail d'un chef de l'armée d'envisager ce genre de scénarios – plutôt que le damage des pistes de ski ou l'encadrement du triathlon.

La seule grosse gaffe du commandant de corps Blattmann, c'est évidemment d'avoir laissé ses plans atterrir dans les mains des journalistes. Espérons que la leçon lui servira et qu'il inclura désormais ces derniers dans sa liste des menaces potentielles!

Pollux

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