Un échange de correspondance

Recommandée

Monsieur le Président
Mmes et MM. les membres
du Conseil d’Etat
Château Saint-Maire
1014 Lausanne

Lausanne, le 18 février 2010


Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Conseillers d’Etat,

J’apprends par la presse que la Municipalité de Lausanne a décidé de «défier les lois fédérales» et de «prendre le pari de l’illégalité» par l’engagement, au mépris insolent de la légalité, d’apprentis dépourvus d’autorisation de séjour.

Il me paraît qu’une proclamation aussi scandaleuse ne peut rester sans conséquences.

Je requiers que le Conseil d’Etat ordonne la mise sous régie de la commune de Lausanne, en applicaton des articles 150 et suivants de la loi cantonale sur les communes.

Veuillez croire, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Conseillers d’Etat, à mes sentiments respectueux.

Claude Paschoud


* * * * *



Monsieur Claude Paschoud
Av. de la Gare 52
1003 Lausanne

Lausanne, le 10 mars 2010

Demande de mise sous régie de la Commune de Lausanne


Monsieur,

Le Conseil d’Etat m’a transmis comme objet de ma compétence votre courrier du 18 février 2010 qui a retenu mon attention la plus soutenue.

La mise sous régie, prévue par les articles 150 et suivants de la loi du 28 février 1956 sur les communes, constitue une mesure particulièrement incisive qui ne peut être mise en œuvre qu’en cas de faute et de résultat particulièrement graves, notamment lorsqu’une autorité communale a contrevenu à la loi ou la réglementation.

En matière de législation sur les étrangers, seul l’emploi effectif d’étrangers dépourvus d’autorisation à exercer une activité lucrative est puni (art. 117 al. 1 de la loi fédérale du16 décembre 2005 sur les étrangers). Or, selon les éléments en ma possession, la Municipalité de Lausanne n’a, en l’état, pas pris formellement la décision, s’étant limitée à adopter un préavis concernant un rapport destiné au Conseil communal dans le but de répondre à une motion déposée par ce dernier.

Il résulte de ce qui précède qu’aucun engagement de ressortissant étranger dépourvu d’autorisation de travail n’a été formalisé à ce jour. Dans ces conditions, il apparaît prématuré en l’état de mettre en œuvre la procédure de mise sous régie, étant précisé, à toutes fins utiles, que d’autres mesures peuvent également entrer en ligne de compte, dans le cadre de la surveillance de l’Etat sur les communes. Par ailleurs, d’éventuelles sanctions prises à l’endroit de la Commune de Lausanne devront respecter le principe de proportionnalité.

Je vous prie de recevoir, Monsieur, mes salutations les meilleures.

Philippe Leuba
Conseiller d’Etat



Notre commentaire

L’article 9 de la loi cantonale sur les communes est rédigé comme suit:

Art. 9 Serment

Avant d'entrer en fonctions, les membres du conseil général prêtent le serment suivant:

«Vous promettez d'être fidèles à la constitution fédérale et à la constitution du canton de Vaud, de maintenir et de défendre la liberté et l'indépendance du pays.»

«Vous promettez d'exercer votre charge avec conscience, diligence et fidélité, de contribuer au maintien de l'ordre, de la sûreté et de la tranquillité publics, d'avoir, dans tout ce qui sera discuté, la justice et la vérité devant les yeux, de veiller à la conservation des biens communaux et de remplir avec intégrité et exactitude les diverses fonctions que la loi vous attribue ou pourra vous attribuer.»

L’article 62 est rédigé comme suit:

Art. 62 Serment

Avant d'entrer en fonctions, les membres de la municipalité prêtent le serment prescrit à l'article 9, auquel on ajoute:

«Vous promettez également d'administrer avec fidélité et impartialité les biens communaux; de ne jamais taire les contraventions aux lois, ordonnances et règlements de police qui pourraient venir à votre connaissance; de nommer toujours le plus éclairé et le plus propre à l'emploi dont il s'agira; enfin de n'excéder jamais les attributions qui vous sont confiées.»

On peut soutenir, comme le fait le Conseil d’Etat par la plume de son chef du Département de l’intérieur, que le délit d’engagement de personnel étranger sans permis n’est pas encore réalisé, ce qui est vrai.

Mais l’incitation à violer la loi donnée par des magistrats, l’annonce publique que les municipaux du chef-lieu ont l’intention dese préparent àvioler la loi n’est-elle pas, déjà, suffisamment grave pour justifier l’ouverture d’une procédure?

«Le poisson pourrit par la tête», dit un proverbe chinois. Comment les simples citoyens que nous sommes accepteraient-ils de payer leurs impôts, de limiter leur vitesse à 80 km/h sur les routes de campagne ou de s’abstenir de fumer au bistrot si les membres de l’exécutif les incitent à ne tenir aucun compte de la loi?

Une loi est-elle obsolète, injuste, inadaptée? Qu’on la modifie!

Si un magistrat ou un collège se révèle incapable d’assumer sa charge, ou n’est plus désireux de respecter son serment de fidélité, que le Conseil d’Etat, qui en a le pouvoir, remplace ce magistrat ou suspende ce collège!

Claude Paschoud

Thèmes associés: Politique vaudoise

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