L'Occident suicidaire

«De cette source empoisonnée de l’indifférentisme découle cette maxime fausse et absurde ou plutôt ce délire: qu’on doit procurer et garantir à chacun la liberté de conscience; erreur des plus contagieuses, à laquelle aplanit la voie cette liberté absolue et sans frein des opinions qui, pour la ruine de l’Eglise et de l’Etat, va se répandant de toutes parts, et que certains hommes, par un excès d’impudence, ne craignent pas de représenter comme avantageuse à la religion.»

Grégoire XVI: encyclique Mirari vos du 18 septembre 1832.

L’Eglise avait entièrement raison lorsque, par la voix du pape Grégoire XVI, elle condamna la liberté de la presse. Sans normes morales, sans pénalités et sans aucune forme de censure autre qu’occulte, anarchique ou arbitraire, la liberté de la presse tue, littéralement, la vie de l’esprit. La somme des opinions arbitraires ne fait pas une once de vérité. Or sans recherche sérieuse et sans défense efficace de la vérité, n’escomptez pas la survie de quelque liberté que ce soit.

Aujourd’hui, l’anarchie est telle, dans la presse, qu’aucune cause n’y est plus défendable, sinon dans l’équivoque et dans le mensonge. Voyez le secret bancaire. La plupart des journalistes professionnels ont programmé sa mort. A leur suite, les politiques ont cessé de le défendre avec conviction et fermeté, Conseil fédéral en tête. Pratiquement personne n’informe à ce sujet le public correctement, mettant en évidence ce qu’il faudrait, savoir qu’il s’agit avant tout d’une guerre économique dans laquelle la place financière suisse est attaquée malhonnêtement par les Etats-Unis, l’Angleterre et leurs alliés, sans oublier l’Allemagne, qui n’y regarde pas de si près en matière de blanchiment d’argent… Dans un ouvrage récemment paru, Le secret bancaire est mort, vive l’évasion fiscale1, Myret Zaki énumère les Etats qui, dans le monde, protègent l’évasion fiscale. Il y en aurait plus d’une vingtaine! Pourquoi donc notre gouvernement fédéral ne se prévaut-il pas de la règle, pourtant fondamentale, de l’égalité de traitement, refusant l’entrée en matière, dès lors que notre pays est seul mis en cause?

A l’égard de l’islam, la veulerie de l’Occident est tout aussi manifeste. Politiciens et journalistes sont unanimes: pas d’amalgames. L’islam est innocent là même où le catholicisme serait mis en accusation. Il est innocent des guerres que ses adeptes font en son nom; il a droit au double langage, là où il règne en maître incontesté et là où il est encore minoritaire. L’islam n’a pas à donner, contrairement au christianisme, les raisons de sa foi; il n’a pas à rendre compte des coutumes, fussent-elles barbares – l’excision – qu’il perpétue, ni de son intolérance là et de sa quête de tolérance ici, de la sincérité de son laïcisme quand, sur ses terres, il le rejette ou l’aménage selon ses seuls intérêts.

La pédophilie tombe à point nommé pour mettre en accusation une religion et une Eglise qui concentrent sur elles toutes les critiques, tous les soupçons et toutes les compromissions. On cache le fait que le clergé traditionaliste n’est absolument pas touché par ce scandale. Pourquoi donc, sinon pour désinformer sur la religion? Naturellement, on ignore ce vice chez les musulmans, on oublie que Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir et Daniel Cohn-Bendit ont pris la défense de pédophiles. On ne fait point grief à un certain ministre de la culture d’en parler ouvertement. Ce crime ne paraît abominable qu’à la condition d’être commis par des ecclésiastiques d’obédience romaine! On fait la morale à Benoît XVI, mais, dans le même temps, on refuse tout magistère religieux sur ces questions, comme s’il y avait un droit à l’incohérence!

Ne marche-t-on pas sur la tête? Dans une telle société, le devoir de se taire ne serait-il pas généralement plus profitable que le droit d’imposer ses caprices à un nombre indéterminé de lecteurs? L’Occident s’ingénie à se trouver des droits vides de sens ou à qualifier tel ce qui ne le mérite à aucun titre, et à détruire ainsi les seuls droits qui ont un sens. L’Occident ne serait-il pas fasciné par la quête de sa propre mort?

Une lueur d’espoir, dans ce monde sans valeurs sinon fausses: ce facteur vaudois préférant être licencié que de devoir distribuer de la publicité licencieuse. «J’ai aussi dit non à la diffusion d’un tract du mouvement raëlien. Il en aurait été de même pour la promotion de l’homosexualité ou de l’avortement», nous dit-il. Nathalie Salamin, porte-parole de La Poste, répond qu’il appartient à l’autorité publique, non à une entreprise, de déterminer quel courrier est acceptable. Réponse dilatoire, fausse et lâche à un comportement ferme, franc et courageux. Une société sans valeurs véritables crée un milieu favorable à l’éclosion de martyrs, jusqu’au rétablissement d’un droit et de pratiques commerciales respectables. Car c’est aussi cela l’exigence de la dignité humaine… Le rapprochement avec Grégory Logean2 s’impose ici: il y a une différence entre un homme politique utilisant des vérités pour sa propre promotion dans le cadre d’un système qui les bafoue mais sait s’en servir, et un homme qui se sacrifie pour des vérités, donnant par cela même un gage de sérieux à sa croyance et de désintéressement à son combat.

Michel de Preux

1 Ed. Favre, 2010.

2 Grégory Logean, président des jeunes UDC du Valais romand, avait fait, en mai 2009, l’objet de plaintes pénales pour s’en être pris à l’homosexualité (ndlr).

Thèmes associés: Ethique

Cet article a été vu 3642 fois

Recherche des articles

:

Recherche des éditions