Tromperie syndicale
L'Union syndicale suisse a lancé récemment une pétition en ligne élégamment baptisée «Pas touche aux rentes des femmes». Il s'agissait de faire pression sur le Conseil des Etats, qui doit traiter en mars de la réforme de l'AVS proposée par le Conseil fédéral. En effet, si les représentants (prétendus) des cantons suivent l'avis de leur Commission de la sécurité sociale, ils décideront d'aligner l'âge de la retraite des femmes (64 ans) sur celui des hommes (65 ans), ce qui implique que ces dames devront cotiser un an de plus pour obtenir la même rente.
J'offre ici un résumé sommaire, car il n'entre pas dans mes intentions de donner un docte avis sur les mesures prévues pour réformer l'AVS. Toutefois, ce qui va suivre ne peut être compris que si on a au moins une vague idée de la situation.
Nos lecteurs le savent: je suis une femme résolument moderne! Je possède donc un ordiphone – en anglais smartphone. Sur ce précieux instrument, j'ai installé l'application de messagerie WhatsApp, qui a largement relayé la pétition de l'Union syndicale suisse.
J'ai ainsi reçu de diverses correspondantes, qui toutes touchent l'AVS, la communication suivante:
Salut! Savais-tu qu'une commission du Conseil des Etats a décidé de baisser les rentes des femmes? Je trouve que c'est un scandale. J'ai donc signé l'appel urgent «pas touche aux rentes des femmes». C'est important que nous soyons autant que possible à signer, pour que le Conseil des Etats rectifie le tir.
Clique ici pour signer l'appel! https://appel.rentes-des-femmes.ch/signer
Je n'aime pas trop que des inconnus me tutoient, mais passons.
Qu'ont donc compris, à réception de cette littérature, les rentières AVS peu informées des péripéties de la lutte en faveur des femmes opprimées? Elles ont compris que la rente AVS qu'elles reçoivent chaque mois allait être rognée, alors que celle des messieurs resterait intacte. Celles qui ont de la cervelle sont parties à la pêche aux informations et ont été rassurées bien vite. Les autres ont signé des deux mains cette pétition mensongère.
Je comprends bien le raisonnement des promoteurs de la pétition: ils considèrent, non sans raison, que cotiser un an de plus pour obtenir la même rente équivaut à une diminution de la rente en question. D'accord. Mais il faudrait souligner ce qu'implique a contrario cette manière de calculer: dans le système actuellement en vigueur, les hommes touchent des rentes inférieures à celles des femmes et cela depuis des décennies.
L'Union syndicale suisse se réjouit du succès de sa pétition1. On la comprend: elle a roulé des milliers de femmes à qui elle a fait croire qu'elles allaient être dépouillées.
Quel triomphe!
M. P.
Thèmes associés: Egalité, discriminations - Humeur - Politique fédérale
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