Arène politique
KKS désavouée, annonçait 20 minutes au lendemain des votations du 7 mars et de l'acceptation de l'initiative dite «antiburqua». Et d'ajouter: La conseillère fédérale Karin Keller-Suter a goûté hier pour la première fois à la défaite en votation populaire, et à double exemplaire avec le «non» à la loi fédérale sur l'e-ID (…).
La mode qui consiste à attribuer aux conseillers fédéraux des victoires ou des défaites, selon que les résultats des votations fédérales correspondent à ce qu'ils préconisaient ou non, est la manifestation d'une grave méconnaissance du fonctionnement des institutions helvétiques.
Cette ignorance agace à juste titre Mme Suzette Sandoz, professeur de droit honoraire, qui fut, il n'y a pas si longtemps, député libéral au Grand Conseil vaudois, puis au Conseil national. Sur son blogue baptisé Le grain de sable, Mme Sandoz nous offre le 8 mars un cours d'instruction civique propre à remettre les pendules à l'heure en ce qui concerne les responsabilités des diverses autorités qui président aux destinées de la Confédération1.
S'ils prenaient la peine de lire son article, les journalistes, mais aussi le politiciens, (re)découvriraient que, quand une loi est soumise au référendum, elle est le fruit du travail puis d'une décision finale du Parlement et non pas du Conseil fédéral, de sorte que, si la loi est rejetée en vote populaire, c'est le Parlement qui a perdu et non pas le Conseil fédéral; que, quand un traité est soumis au référendum, il a dû être au préalable approuvé par le Parlement qui n'avait en revanche pas le droit d'en modifier le texte – signé par le Conseil fédéral –, de sorte que, si le traité est rejeté en vote populaire, c'est le Parlement qui est désavoué, car ce dernier avait approuvé le texte du Conseil fédéral; que, enfin, quand il s'engage dans une campagne référendaire, non seulement le Conseil fédéral montre sa méconnaissance de la démocratie directe mais de surcroît il nuit lourdement à la collégialité.
Tout est dit. C'est limpide.
Malheureusement, les membres de l'exécutif fédéral ont acquis la déplorable habitude de s'occuper de tout, de parcourir la terre, de fraterniser avec les grands de ce monde, de donner des conseils que personne ne leur demande – jouer dans la cour des grands, quel bonheur! –, de fréquenter les plateaux de télévision et, surtout, de mener campagne, séparément ou ensemble, chaque fois qu'un objet est soumis à votation. Ils en font une affaire personnelle, de prestige même, et s'exposent, en cas de défaite, à l'humiliation, voire au ridicule, ce qui n'est bon ni pour leur ego ni pour leur réputation. Comment peuvent-ils espérer obtenir la confiance des populations s'ils ne connaissent pas eux-mêmes la place qui est la leur, s'ils étalent complaisamment leurs faiblesses et leur inconséquence?
Aussi ne puis-je que partager la conclusion de Suzette Sandoz:
Notre démocratie directe est d'une subtilité et d'une intelligence qui me fascinent. Elle constitue un rempart contre les tentations du pouvoir et du narcissisme mais est, de ce fait, un obstacle aux effets de manche et de verbe creux! Peu spectaculaire, elle déplait à une société de l'image, des querelles et des twitts.
C'est pourquoi Leurs Excellences de Berne ne l'aiment pas.
Mariette Paschoud
1 https://blogs.letemps.ch/suzette-sandoz/2021/03/08/democratie-directe-un-regime-si-subtil/.
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