Un bon, deux réflexions

J'ai reçu, il y a quelques années, pour un anniversaire «rond», un bon d'une jolie somme à faire valoir dans une agence de voyage bien connue, geste qui m'a énormément touché. Bien que n'étant pas un grand voyageur, j'aime passer deux semaines au bord de la mer en été; ce cadeau allait, croyais-je, me permettre des économies ou un surcroît de confort. Quelle naïveté! Car, voyez-vous, les agences de voyage, qui ne manquent pas une occasion de pleurnicher sur la concurrence que leur livrent les services de réservation en ligne, ne sont apparemment pas à même de proposer des solutions sur mesure. «Biarritz? Non, désolé, Monsieur. Cette destination ne fait pas partie de notre catalogue.» Soit. Je me résous donc à financer intégralement mon séjour au Pays Basque avec mes propres deniers. Ce n'est pas bien grave. Mais, après avoir, au cours des années, cherché à utiliser ce bon pour des vacances en un lieu qui me plaît, à des dates qui me conviennent, au départ de l'aéroport que j'ai choisi, dans un créneau horaire que je juge confortable, je me suis résolu à la démarche inverse: trouver une offre acceptable figurant dans le catalogue, afin de ne pas laisser périmer ce que je considère alors comme un cadeau empoisonné.

Cette petite aventure m'inspire deux réflexions. La première est que les agences de voyage ne servent quasiment à rien: deux nuits à Barcelone, via EasyJet, sans transport de l'aéroport à l'hôtel, avec, au passage, 100 francs de frais de dossier… Bref, on peine à s'ébaubir devant la valeur ajoutée qu'offrent les professionnels du secteur.

La seconde réflexion est en réalité plutôt une interrogation. Nous avons tous vécu le calvaire consistant à se creuser la tête afin de trouver une idée de cadeau, sans y parvenir. Mais pourquoi se rabattre sur des bons – solution à laquelle j'ai moi-même eu recours à de nombreuses reprises? Pourquoi ce «tabou» de l'argent liquide? Il est parfaitement compréhensible de préférer objet tangible, que ce soit dans le but d'offrir au fêté «quelque chose qui reste» ou d'éviter qu'il connaisse le montant investi; on peut, éventuellement, admettre des visées pédagogiques: si on donne un billet à ce jeune sot en pleine crise d'adolescence, il en fera nécessairement mauvais usage… C'est ainsi que j'ai reçu, dans ma jeunesse, de nombreux bons chez Payot, alors que je n'aimais pas lire, et un autre chez Benetton (que mon père m'a racheté face à mon désarroi), alors que le montant ne permettait pas d'acquérir une demi-chaussette et que les copains et moi considérions l'enseigne en question comme le sommet de la ringardise. Nous, nos fringues, nous les achetions chez Maniak ou H&M.

Dans les autres situations, si offrir des espèces sonnantes et trébuchantes apparaît, pour quelque motif que ce soit, définitivement inconvenant, il vaut mieux s'en tenir aux classiques: une caisse de bonnes bouteilles; ce n'est certes pas original – mais les bons ne le sont pas non plus – et implique évidemment que le destinataire soit quelqu'un de fréquentable, qui ne crache pas dans son verre... A votre bonne santé!

Iratus

Thèmes associés: Société

Cet article a été vu 1339 fois

Recherche des articles

:

Recherche des éditions