Editorial

Après une pause estivale bien méritée, nous voici de retour avec une rentrée chargée. Les votations fédérales du 25 septembre prochain ont le grand avantage de ne pas remettre en question la souveraineté des cantons. Il va donc falloir se pencher sur le fond des trois objets qui nous sont soumis.

Initiative sur l'élevage intensif

Les milieux écologistes, antispécistes et végans sont à n'en pas douter absolument sincères dans leur démarche visant à protéger le bien-être des animaux de rente. Pour tous ceux qui éprouvent de l'empathie à l'égard de la souffrance animale, l'élevage intensif est un vrai problème, qui ne peut être résolu que d'une seule façon: la fin de la consommation de viande. Afin de parvenir à cet objectif, il y a deux voies: la première est l'interdiction d'élever, de vendre ou de consommer. La deuxième, celle choisie par les initiants, est de compliquer la production à un point tel que les coûts supplémentaires reportés sur les consommateurs fassent du produit un luxe que l'on ne peut plus se permettre. La baisse de la demande entraînant une baisse de la production, la fin de l'élevage intensif se ferait naturellement.

En cas d'acceptation de l'initiative, ce sont les agriculteurs qui seront les premiers à en pâtir en ce qu'ils devront faire un choix entre renoncer ou investir dans des infrastructures importantes, souvent en s'endettant. Finalement, et pour ne pas permettre un détournement de la loi au moyen d'une importation massive de produits carnés, l'initiative prévoit la mise en place de systèmes de contrôle des produits en provenance de l'étranger qui seraient non seulement coûteux, mais iraient à l'encontre du fameux principe du Cassis de Dijon, cher à nos autorités et à celles de nos partenaires européens. C'est le seul point de cette initiative qui pourrait nous la rendre sympathique, mais cela ne suffit tout de même pas. Nous voterons NON.

AVS 21 et financement par le biais de la TVA

Seuls les opposants à la réforme ont le culot de prétendre que les comptes de l'AVS sont sains et ne nécessitent pas pour le moment de financements supplémentaires: «Les chiffres sont clairs: L'AVS est solide et fonctionne bien. (…) L'AVS n'est pas endettée et présente des chiffres noirs.»1 Le comité référendaire oublie de mentionner que ces chiffres noirs sont la conséquence de la réforme fiscale et de financement de l'AVS, acceptée en 2019, seule avancée en vingt-cinq ans, et qui a renfloué provisoirement les caisses à hauteur de 2 milliards par an. Mais les projections de l'Office fédéral des assurances sociales ne laissent aucun doute sur les difficultés qui s'annoncent avec l'arrivée en masse à l'âge de la retraite des baby-boomers et le manque de travailleurs actifs pour financer leur AVS.

Il est donc absolument nécessaire de prendre les devants en repensant le système des retraites. Je n'ai jamais fait mystère que ma préférence allait au renforcement de la prévoyance personnelle obligatoire, mais la suppression de l'AVS en faveur de la LPP n'est pas à l'ordre du jour.

Disons-le tout net, la réforme proposée est un bon compromis. Résultat d'âpres négociations, elle est équilibrée et ne prétend pas résoudre définitivement le problème. De futures révisions seront nécessaires en fonction de l'évolution démographique et économique du pays. Mais, pour l'heure, l'augmentation du financement, grâce au relèvement de la TVA de 0,4 points, allié à une baisse des dépenses obtenue par l'alignement de l'âge de la retraite des femmes sur celle des hommes, nous donne le temps de voir venir sans que l'effort nécessaire soit trop douloureux.

Le comité référendaire, principalement composé de syndicats et de mouvements de gauche, reproche au projet de s'en prendre à la retraite des femmes, alors que celles-ci touchent déjà en moyenne un tiers de moins que les hommes. L'argumentation est fallacieuse et l'on voit bien que les opposants cherchent à instrumentaliser le débat pour l'entraîner sur le terrain de l'égalité des salaires. Si les femmes ont des retraites AVS plus faibles, c'est qu'elles ont cotisé pour des montants moins élevés, parfois en raison d'un travail à temps partiel. Or ce problème n'existe pas ou peu pour les femmes mariées, qui bénéficient, dans le calcul de la rente, des revenus de leurs époux, grâce au système de splitting. On peut s'interroger sur l'opportunité de plafonner le cumul des deux rentes d'un couple marié à une fois et demi la rente maximum, mais c'est un autre débat.

On cherche en vain les féministes que l'on s'attendait à voir militer en faveur de la révision de l'AVS au nom de l'égalité. De ce côté, le silence est assourdissant. De notre côté, nous voterons deux fois OUI sans hésiter.

Modification de la loi fédérale sur l'impôt anticipé

Nous allons traiter cette votation en prenant le sujet par l'autre bout, en répondant aux arguments du comité référendaires.2

La suppression de l'impôt anticipé est un cadeau fait aux grandes entreprises. En dehors du fait que l'un des objectifs est de faciliter l'émission de nouvelles obligations en Suisse, et donc de se financer à un coût plus accessible que celui offert par les banques, on ne voit pas en quoi il s'agit d'un cadeau. Les entreprises ayant une taille suffisante pour se financer de la sorte sont soumises à un contrôle strict de leur comptabilité et ne verront en aucune manière leurs impôts baisser, exception faite du droit de timbre, taxe obsolète s'il en est.

Les épargnants seront désavantagés. Autre erreur: en effet, les entreprises ne seront plus soumises à l'impôt anticipé, car les revenus générés par l'épargne sont reflétés dans la comptabilité et donc soumis à l'impôt sur le bénéfice. Il s'agit juste d'un changement logique dans la manière de traiter les contribuables en fonction de leurs formes juridiques.

La criminalité fiscale sera encouragée. La fin du secret bancaire et le développement des réseaux informatiques nous annoncent à brève échéance l'échange automatique d'informations entre les différents systèmes et l'administration fiscale. C'est déjà le cas dans d'autres pays comme l'Espagne, où le contribuable salarié n'a qu'à presser sur un bouton pour confirmer sa déclaration d'impôt annuelle, préremplie avec toutes les informations reçues de ses employeurs et de ses banques. Les opposants parlent de «gros investisseurs» pour bien marquer la différence avec le petit peuple qu'ils prétendent défendre, mais la réalité est que la soustraction fiscale est plus le fait des petits épargnants que des investisseurs professionnels nettement plus surveillés.

Et si les projections faites par les autorités fédérales se révèlent erronées, il sera toujours temps de rectifier le tir, en introduisant par exemple un impôt anticipé pour les non-résidents, pratique courante dans d'autres pays.

Partant du principe que, s'il n'y a pas de bons arguments pour s'opposer à un projet, il n'y a pas de raison de le refuser, nous voterons OUI.

Michel Paschoud

 

1 Brochure explicative accompagnant le bulletin de vote, page 33.

2 Brochure explicative, page 64.

Thèmes associés: Economie - Environnement - Politique fédérale

Cet article a été vu 1377 fois

Recherche des articles

:

Recherche des éditions