Pitreries onusiennes
Le sourire de M. Cassis
Notre pauvre Ignazio a eu l'imprudence de se laisser photographier serrant la main du ministre des affaires étrangères russes Sergueï Lavrov lors de l'Assemblée générale des nations désunies, qui s'est ouverte à New York le 13 septembre. Cette photo, publiée – malicieusement? – par la diplomatie russe sur Twitter, a semé la consternation dans le monde bien-pensant helvétique, qui a fait tout un plat de la gaffe de M. Cassis posant «tout sourire» avec l'affreux Lavrov.
Je ne suis pas une admiratrice inconditionnelle de l'actuel président de la Confédération, mais je ne vois pas pourquoi, alors qu'il proclame urbi et orbi que la Suisse est un modèle de neutralité, il ne pourrait pas serrer la main de n'importe quel représentant de n'importe quel pays dans le cadre d'un inutile et coûteux rassemblement de faucons déguisés en colombes. Quant au fameux sourire, il faut être d'une insondable mauvaise foi pour y voir autre chose qu'un rictus.
Cet épisode confirme que nos politiciens feraient mieux de rester à Berne.
Le discours de M. Cassis
L'ouverture de la 77e session de l'ONU a offert à de très nombreux grands de ce monde l'occasion de prononcer des discours aussi vides que grandiloquents. La Suisse n'a pas démérité à cet égard1. Notre Tessinois s'est lancé dans une évocation belliqueusement correcte de la guerre d'Ukraine, appelant la Russie à mettre fin à dite guerre dans les plus brefs délais – à l'heure où j'écris ces lignes, Vladimir Poutine et Sergueï Lavrov ne semblent pas s'en être émus, les malappris. Il a également souligné toutes les qualités qui font de notre pays un membre particulièrement apte à résoudre les défis qu'affronte l'ONU, et une recrue de choix pour le Conseil de sécurité. Il a conclu en rappelant que «L'ONU offre un cadre unique pour concrétiser la résolution inscrite en préambule de sa Charte, à savoir unir nos forces pour maintenir la paix et la sécurité internationales, en tant que partenaires et non en tant qu'adversaires».
Je n'ai pu retenir mes larmes à la lecture de ce morceau de bravoure, qui prouve que notre «ministre» des affaires étrangères vit sur une autre planète.
La réforme du Conseil de sécurité
Il y a un petit problème au Conseil de sécurité de l'ONU: le droit de veto, qui permet aux cinq membres permanents – les autres n'ont rien à dire, il faut en être conscient – de bloquer les résolutions et décisions de l'organisme.
Cette situation ne dérangeait pas les USA, la France et le Royaume-Uni aussi longtemps qu'elle leur profitait, mais, ces derniers temps, la Russie a usé abondamment de son droit de veto, ce qui est fort agaçant pour le camp du Bien – dont ne fait pas partie la Chine, cinquième membre permanent, on s'en doute.
Par la voix de leur ambassadrice à l'ONU Linda Thomas-Greenfield, les Etats-Unis se sont déclarés favorables à une réforme du Conseil de sécurité, estimant qu'il ne faut pas «défendre un statu quo intenable et dépassé», «mais plutôt faire preuve de flexibilité et d'ouverture, au nom d'une plus grande crédibilité et légitimité»2, point de vue confirmé par le président Biden un peu plus tard3.
Personne à ce jour ne semble savoir en quoi consisteraient les réformes à venir et il est peu probable que les choses changent à bref délai. Mais au moins recueillons-nous un aveu de taille: le Conseil de sécurité, intenable et dépassé, n'est ni souple ni ouvert ni crédible ni légitime.
La Suisse y siégera en 2023 et 2024. Quel bonheur!
Mariette Paschoud
1https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-90418.html
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