Editorial

C’était à prévoir: trois ans après le rejet de la caisse unique en votation fédérale, la gauche, constatant que rien ne s’améliore dans notre calamiteux système d’assurance maladie obligatoire, remet sur le tapis son projet étatique et centralisateur.

Certes, les griefs des diverses organisations qui s’apprêtent à lancer une initiative populaire pour une assurance santé publique fédérale ne sont pas dépourvus de pertinence et nous reprenons volontiers à notre compte certains d’entre eux. Mais le système et les défauts qui en découlent sont largement imputables aux rêveries idéologiques de ceux-là même qui montent au créneau et qui avaient soutenu le projet de la conseillère fédérale Ruth Dreifuss au nom de l’égalitarisme et du rejet de la célèbre médecine à deux vitesses. Il est d’ailleurs amusant de voir ces gens stigmatiser, entre autres, la «pseudo-concurrence» et le «non-marché» propres au système, arguments qu’on s’attendrait à trouver dans la bouche ou sous la plume d’un libéral bon teint. Mais le parallèle s’arrête là, puisque, au lieu de préconiser en bonne logique, le retour à la vraie concurrence et au marché, nos théoriciens du bonheur des peuples proposent un projet qui ne fera qu’aggraver les choses. En effet, aux coûts inéluctablement engendrés par le caractère obligatoire de l’assurance maladie – dissolution du sens des responsabilités des assujettis qui ont tendance à «amortir» des primes ruineuses par un recours systématique au médecin, à ses machines et à ses ordonnances pour le moindre bobo –, ils vont ajouter la considérable augmentation des frais d’exploitation nécessairement générée par un organisme d’Etat beaucoup moins soucieux d’économie qu’une entreprise privée, qui, dans le cas qui nous occupe, n’a guère d’autre moyen de concurrencer ses rivales.

Nous devons consentir des sacrifices pour sauver l’AVS. Nous devons consentir des sacrifices pour sauver l’AI. Dans quelques années, nous devrons consentir des sacrifices pour sauver la caisse maladie publique. C’est certain, c’est inévitable. Mais on ne fait pas entendre raison à des pantoufles.

Claude Ruey, président de Santésuisse, c’est-à-dire défenseur du système actuel, ne raisonne d’ailleurs pas mieux, même si, paraît-il, il «ne mâche pas ses mots». On peut le suivre un bout quand il déclare que les primes prennent l’ascenseur non pas parce que les caisses maladie s’engraissent mais parce que les coûts de la santé augmentent. Mais il ne voit pas ou ne veut pas voir pourquoi les coûts de la santé augmentent si fort et si régulièrement. Tout ce qu’il craint, en cas de caisse unique, c’est que ne se mette en place… une médecine à deux vitesses! Les deux vitesses, c’est décidément l’obsession des politiciens de tous bords! Il est bien regrettable que notre grand ami le docteur Freud ne soit plus là pour nous expliquer ça!

Mais ne nous égarons pas.

Nous nous trouvons dans une situation dramatique. Pour que les gens recourent moins souvent à la médecine, à ses coûteux équipements et à ses non moins onéreux médicaments, il faudrait que les primes d’assurance maladie baissent. Pour que les primes d’assurance maladie baissent, il faudrait rétablir la vraie concurrence entre les caisses. Pour que la vraie concurrence entre les caisses puisse s’exercer, il faudrait supprimer l’obligation de s’assurer. Pour que l’obligation de s’assurer soit supprimée, il faudrait que les politiciens se mettent à réfléchir. Pour que les politiciens se mettent à réfléchir, il faudrait qu’ils aient des petites cellules grises. Mais les gens qui ont des petites cellules grises font rarement de la politique et, quand ils en font, ils ne sont pas suivis par leurs collègues qui, évidemment, ne les comprennent pas et s’accrochent à leurs idées fixes.

C’est à pleurer, mais une chose nous afflige encore plus dans le projet qui, s’il récolte le nombre de signatures nécessaire, sera soumis aux Helvètes d’ici trois ou quatre ans. C’est qu’il prévoit de confier la gestion des primes – calcul, perception – à des agences cantonales. La gauche, nous dit-on, espère ainsi s’attirer les bonnes grâces des gouvernements cantonaux.

Si la perspective de ce rôle subsidiaire minable suffit à rallier les cantons à la mauvaise cause de cette fichue gauche, il faudra envisager de faire la révolution, foi de fédéraliste!

Le Pamphlet

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