Les positions énergétiques et climatiques d’economiesuisse sont-elles utiles?

Il faut saluer l’effort que fait economiesuisse pour analyser la situation de l’approvisionnement énergétique du pays dans un contexte de pénurie annoncée et aggravée par des objectifs soi-disant climatiques dont il est certain qu’ils ne sont pas atteignables. Les analyses présentées sont pertinentes et bien faites. Néanmoins, il faut se demander si les lacunes et les non-dits que l’on décèle dans cette abondante documentation ne sont pas plus importants que ce qui est présenté.

Rien n’est particulièrement original dans sa bonne présentation de l’essentiel. Un point intéressant qui mériterait d’être développé parce que stratégiquement important est que la valeur ajoutée de l’industrie et des services en Suisse a augmenté de 53% entre 2000 et 2021 alors que les services n’ont augmenté leur consommation d’électricité que de 7,9%, l’industrie l’ayant même diminuée de 2,7%.

En confirmation de mon essai sur l’approvisionnement électrique de la Suisse, et si l’on désire vraiment décarboner nos activités, il est correctement affirmé que la fourniture en électricité devrait passer de 60-65 TWh par année à 80-90 TWh/a en 2050, dont 40-50 TWh/a issus de nouvelles installations, dont celles qui devraient remplacer les centrales nucléaires actuelles.

Ce qui déçoit de cette institution qui, alors qu’elle s’appelait le «Vorstand», dictait en grandes parties la politique économique du pays, ce sont les déficiences de ses propositions. Ainsi, à la fin de l’introduction à la section énergie et environnement de son site internet on peut lire:

Nous défendons un approvisionnement en énergie fiable, avantageux et respectueux de l’environnement, indépendamment du choix des technologies à utiliser. Cela passe aussi par le maintien de la Suisse dans le marché de l’électricité européen.

L’une des fautes majeures de la politique énergétique officielle est de faire des choix technologiques qui nous mènent à la ruine, en particulier la promotion monomaniaque desdites renouvelables qui ne le sont pas. Pourtant, economiesuisse évite de prendre une position critique et de parler du gorille que l’on ne veut pas voir: la technologie nucléaire, pourtant la seule décarbonée qui permette de poursuivre résolument la réduction des émissions de CO2 et de satisfaire la demande de courant tout au long de l’année. Si les choix doivent concerner simultanément des exigences climatiques, environnementales, sociales et économiques, alors la conclusion est que, faute de mieux et pour encore bien des décennies, la solution nucléaire est de loin la moins mauvaise, même si elle ne pourra être réalisée que tard et avec difficulté. Ménager la chèvre écologiste ne permet pas vraiment de faire prospérer les choux dont on a besoin, bien au contraire!

L’appel au maintien de la Suisse dans le marché européen de l’électricité est aussi équivoque car ce marché n’est pas destiné à offrir longtemps des surplus sur lesquels notre pays compte désormais pour s’approvisionner en hiver. Il n’aura pas non plus des besoins à satisfaire lorsque, en été, notre production restera excédentaire. Bien sûr, il est nécessaire de rester bien interconnecté au sein du réseau continental, et ce d’autant plus que le nôtre est utile à nos voisins pour s’interchanger du courant à chaque instant. Il est pourtant naïf de s’imaginer un marché ouvert, concurrentiel et honnête alors que chaque Etat membre poursuit une stratégie énergétique plus folle que l’autre, avec une Commission européenne qui en rajoute. S’il faut y participer, ce n’est qu’avec des pincettes.

La faiblesse, voire l’absence, de sérieuses considérations financières doit également être relevée. Si l’on peut comprendre, sans approuver, que l’administration, le secteur électrique et les promoteurs des renouvelables évitent sciemment d’en parler, il est plus étonnant qu’economiesuisse reste si peu diserte à ce sujet. Il faudra pourtant construire de quoi fournir les 50 TWh/a mentionnés plus haut, y compris l’extension du réseau, les installations de stockage et les adaptations aux usages. Qui est disposé à investir alors que seules des incantations sont prononcées, avec des lois imbéciles car inexécutables qui sont promulguées en conséquence?1 Aucun réel ne saurait découler de ces illusions virtuelles.

Les questions sont pourtant très concrètes: qui financerait quoi, combien, comment, pourquoi et à quelles conditions? Or on constate que les projets annoncés n’ont pas de capitaux, même ceux de km2 de panneaux solaires alpins (sans parler des adaptations du réseau et des mises en stock). Exception due à l’urgence: une centrale d’appoint au gaz! Ce n’est bien sûr pas en garantissant des prix préférentiels ou des priorités à l’injection dans le réseau d’une production plutôt qu’une autre que des conditions cadres convenables et durables seront créées pour l’investissement. Aucune idée n’est bonne à financer si elle reste irréalisable.

Il n’y a en fait aucun débat sur l’énergie en Suisse et economiesuisse évite de le susciter. Il ne reste que des invectives d’ordre idéologique ou des discussions de boutiquiers du court terme. C’est dommage, au sens littéral de ce terme-là.

Michel de Rougemont

 

https://blog.mr-int.ch 

1 Loi CO2 en révision, intention d’interdire la vente de véhicules à moteur thermique dès 2035, décrets cantonaux d’urgence (sic) climatique, subventionnement des véhicules électriques et de pompes à chaleur sans disposer du courant nécessaire, etc.

Thèmes associés: Economie - Environnement - Notes de lecture

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