Du passé, il faut parfois (exceptionnellement) faire table rase

A la mi-septembre, le Parlement britannique a voté une loi prévoyant d’abandonner les poursuites relatives aux violences qui ont secoué l’Irlande du Nord pendant de nombreuses années. Les soldats britanniques et les paramilitaires qui ont été impliqués dans le conflit nord-irlandais et qui acceptent de coopérer avec les autorités ne pourront plus être poursuivis. Il sera ainsi possible de clore de nombreuses affaires irrésolues.

L’adoption de cette loi a déclenché des protestations chez certaines familles de victimes, ainsi que de la part du gouvernement irlandais, ce qui n’est pas totalement surprenant, mais aussi de la part du Conseil de l’Europe et du Haut-commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies. Ces distinguées instances internationales ont exprimé une «profonde inquiétude», évoquant un «viol des obligations internationales du Royaume-Uni en matière de droits de l’homme».

Les Irlandais sont des gens plutôt sympathiques; il est tragique qu’une guerre civile les ait amenés à s’entre-déchirer pendant plusieurs décennies – comme il est tragique qu’un conflit fratricide oppose aujourd’hui Russes et Ukrainiens. Un processus de paix a mis fin aux troubles nord-irlandais il y a maintenant un quart de siècle. Il reste toutefois à faire perdurer cette paix encore fragile et à «tourner la page» pour de bon. N’est-il pas temps, de part et d’autre, de refermer les procès encore en suspens et de s’interdire d’en ouvrir de nouveaux? De tels procès sont de toute façon incapables d’apporter une justice convaincante, dès lors qu’ils se rapportent à une situation de conflit où toutes les parties en présence ont commis des horreurs et où il est presque impossible d’établir précisément tous les faits et tous les coupables. Faut-il alors accabler l’Etat qui prend l’initiative de cicatriser ainsi les blessures du passé? Et surtout, n’est-il pas indécent que des officines onusiennes, totalement inutiles face aux conflits qui secouent le monde, interviennent pour empêcher cette cicatrisation?

L’exemple cité ici n’est peut-être pas parfait, car la Grande-Bretagne – si l’on en croit la presse – va surtout amnistier ses propres soldats et non l’ensemble des protagonistes. A défaut d’un magnifique geste de réconciliation, cette amnistie représente tout de même une étape nécessaire vers l’enterrement définitif du douloureux conflit irlandais. On peut comprendre que les familles qui furent endeuillées l’acceptent difficilement; mais l’ONU? N’a-t-elle rien de mieux à faire que de réclamer des procès sans fin qui ne servent qu’à entretenir les rancœurs des affrontements passés?

Le monde serait plus pacifique si on accordait un peu moins d’importance à la «justice» et davantage aux nécessaires réconciliations. En d’autres termes: si on consacrait moins d’énergie à punir les gens pour ce qu’ils ont peut-être fait dans le passé, et qu’on se souciait davantage de la manière dont ils pourront coexister dans le futur.

Pollux

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