Un autre fossé

On nous assomme, à la télévision, à la radio et dans la presse quotidienne, avec le prétendu «Röstigraben» qui séparerait, selon les rédacteurs, la Suisse romande de la Suisse alémanique.

Mais que dire du fossé abyssal qui divise ces mêmes journalistes, à leur insu semble-t-il, et le public, les citoyens lambda que nous sommes et qui avons dû subir, pendant les deux semaines qui ont précédé l’événement, et durant les deux semaines qui ont suivi, les commentaires insipides de nos politologues autoproclamés sur l’élection des conseillers fédéraux.

Les journalistes y croient vraiment. Ils ne jouent pas. Ils sont sûrs que c’est important et que leurs téléspectateurs, auditeurs et lecteurs se passionnent comme eux pour les petites combines des partis, pour les coups bas des uns et des autres, les alliances et les trahisons, et par ce qu’ils appellent avec gourmandise, la veille du scrutin, la «nuit des longs couteaux».

Ils sont aussi sérieux que des enfants qui jouent aux Indiens et aux cow boys sous le regard attendri des adultes que nous sommes, indulgents aussi longtemps que les piaillements journalistiques ne deviennent pas insupportables à nos oreilles.

Les commentateurs de politique fédérale ont été les seuls à ne pas se rendre compte que leurs émissions et leurs articles n’intéressaient personne !

D’abord, le sujet lui-même était dépourvu d’intérêt réel: issus des partis politiques, où les génies sont rares, et compte tenu des magouilles en vue des prochaines élections, les candidats devaient nécessairement obtenir un succès inversément proportionnel à leur valeur. Le résultat a confirmé ce pessimisme: la candidate la plus brillante, Mme Karin Keller-Sutter, a été évincée au profit de deux ternes Bernois, ticket (comme on dit) dont le chroniqueur spécialisé de 24 heures nous affirmait doctement, le 21 septembre sur cinq colonnes, qu’il n’avait que «peu de chances».

Ensuite, le crédit du gouvernement fédéral dans le public est aujourd’hui si faible, à juste titre, qu’on a un peu le sentiment que le niveau devrait immanquablement en être amélioré si on comblait les vacances en tirant au sort deux citoyens quelconques dans l’annuaire téléphonique.

En tous cas, ça ne pourrait pas être pire que de confier le Département de l’économie à un industriel milliardaire et la justice à une pianiste virtuose, tous deux ressortissants d’un même canton déjà surreprésenté dans l’administration fédérale.

Enfin, l’électeur manifeste le même intérêt pour les élections partielles au Conseil fédéral qu’un congrès de dames européennes pour un match de baseball. Même l’enthousiasme du commentateur ne suffit pas!

C.P.

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