Eco-incantations

PolluxLe Pamphlet n° 530 Décembre 2023

Quel est le point commun entre l’immobilier, les transports, l’agriculture, la faune sauvage, la météorologie, la géographie, la géologie, la médecine, l’éducation, les loisirs, l’habillement, la musique, la littérature, la finance, la fiscalité, les relations internationales, la défense armée, et peut-être aussi la gymnastique, le jardinage, la sigillographie et le macramé?

Dans tous ces domaines (et aussi dans les autres qui ne sont pas cités ici), si vous voulez dire ou écrire quelque chose qui soit pris en considération par vos concitoyens et qui vous renvoie une image flatteuse de vous-mêmes, vous devez impérativement évoquer les enjeux climatiques, les défis climatiques, le changement climatique, la crise climatique, le respect des engagements climatiques, l’empreinte carbone, la décarbonation, la nécessaire transition énergétique, la durabilité, les matériaux biosourcés, les produits issus du commerce équitable, le caractère doux, sain, recyclable et renouvelable de ce que vous voulez, ainsi que l’écosystème, l’écoresponsabilité et les éco-gestes. Si vous avez assez de temps ou de place, vous pouvez bien sûr y ajouter le respect de la diversité, l’inclusivité, la mixité sociale.

Cela ressemble au jeu consistant à placer dans un article ou dans un discours, l’air de rien, un mot rare ou incongru convenu à l’avance: il faut parfois se gratter la tête pour y parvenir sans que ça ait l’air trop absurde, mais on finit toujours par trouver une tournure de phrase qui permette de gagner le pari.

Les personnes qui utilisent les expressions listées ci-dessus ne réfléchissent généralement pas à leur sens exact. Elles ne les utilisent pas pour exprimer des idées précises, mais plutôt parce qu’elles ressentent cela comme une nécessité, comme une obligation morale, et comme un moyen de témoigner de leur foi dans la religion ou l’idéologie officielle. On peut y voir une analogie avec les incessantes mentions de Jésus Christ que les évangéliques placent en chacune de leurs formules de politesse ou de salutations – pratique a priori fort louable, mais dont la lourdeur répétitive finit par laisser un fâcheux goût d’artifice. On perçoit aussi et surtout une analogie avec les productions intellectuelles de l’ancien bloc communiste, invariablement parsemées de références aux concepts du marxisme; les auteurs savaient qu’il fallait procéder ainsi pour que leurs œuvres soient publiées et qu’eux-mêmes ne soient pas inquiétés.

Trois décennies à peine après la fin des régimes communistes, nous nous retrouvons donc à nouveau dans un système idéologique où chaque discours est gangréné par ce genre d’incantations déclamatoires, que seule une minorité considère comme ridicules tandis que la majorité s’y soumet avec une naïve assiduité.

Pollux

Thèmes associés: Environnement - Facéties

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