Représentativité

Voici à quoi ressemblerait le Conseil fédéral s’il était vraiment représentatif, titrait 24 heures le 11 mars, à la veille – est-ce un hasard? – de l’élection complémentaire due au départ de Mme Viola Amherd, chef du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports.

Et de nous expliquer que, si le Conseil fédéral reproduisait vraiment – ce qui n’est hélas pas le cas, donc –  la composition de la population, nous aurions «un gouvernement beaucoup plus jeune, plus féminin et plus urbain».

Les trois journalistes qui ont pondu cette brillante «analyse» ont fait un petit détour par la Constitution fédérale, où ils ont découvert l’article 175, alinéa 4, lequel dispose que «les diverses régions et les communautés linguistiques doivent être équitablement représentées» au sein du gouvernement de la Confédération.

Considérant ces deux contraintes comme de simples «critères», notre trio fait remarquer que «nulle mention n’est faite quant à la représentation des femmes, des différentes classes d’âge, des groupes professionnels ou des origines culturelles», ce qui «pourrait expliquer pourquoi le gouvernement actuel ne représente que partiellement la population». Partant de ce constat, illustré par deux savants tableaux, la petite équipe propose doctement «quatre critères qui mériteraient à l’avenir d’être mieux pris en compte»: un Conseil fédéral plus féminin, un Conseil fédéral politiquement plus bigarré, un Conseil fédéral plus urbain et un Conseil fédéral plus jeune.

En d’autres termes, ils appellent de leurs vœux un gouvernement comportant un plus grand nombre de femmes; un gouvernement s’ouvrant à tous les partis; un gouvernement purgé des ploucs qui l’encombrent; un gouvernement débarrassé des vieillards qui ralentissent sa marche vers le progrès. Pourquoi, pendant qu’on y est, le Conseil fédéral ne représenterait-il pas aussi les citoyens allogènes et les LGBTQIA+?

Les trois auteurs de l’«analyse» du 11 mars sont persuadés que le Conseil fédéral est une émanation du peuple, ce qui est fort inquiétant, car ils manifestent par là leur totale méconnaissance des institutions de notre pays. Ils ne savent pas, apparemment, que la Constitution fédérale comporte d’autres articles que le 175 alinéa 4; que la population est déjà représentée par le Conseil national; que les cantons le sont – théoriquement et mal – par le Conseil des Etats; que le Conseil fédéral se compose de sept membres et qu’il serait bien en peine d’assumer une représentativité pléthorique si tel était son rôle.

Alors que les conseillers fédéraux devraient être élus par l’Assemblée fédérale exclusivement sur la base de leur aptitude à exercer leurs tâches et compétences constitutionnelles avec intelligence et courage, ils ne sont que l’émanation de partis politiques. Ce sont ces derniers qu’ils représentent – ce qui est déjà beaucoup trop et explique la médiocrité récurrente du gouvernement helvétique.

L’élection du 12 mars, qui a nécessité une très laborieuse recherche de candidats affiliés au même parti que Mme Amherd, en a été une nouvelle illustration.

Mariette Paschoud

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