Marche arrière

L’alpiniste avait choisi la voie de gauche, mais ce n’était pas le bon choix. Arrêté dans sa progression par un obstacle totalement infranchissable, il a dû rebrousser chemin, puis, à l’intersection, tenter le chemin de droite.

L’automobiliste s’était engagé dans un petit chemin qui, croyait-il, lui permettrait d’atteindre la route cantonale. Mais ce chemin était devenu de moins en moins carrossable, se transformant insensiblement en un sentier. Impossible de tourner. Il a fallu faire machine arrière.

Souvent, la sagesse commande de ne pas s’obstiner et de faire marche arrière, lorsqu’il devient évident que la voie choisie n’était pas la bonne. Mais il faut du courage pour admettre son erreur et ne pas persister contre toute évidence en proclamant qu’«on y parviendra aussi par là, même plus rapidement».

Un imbécile ne fait jamais marche arrière. Les pédagogistes employés par Mme Anne-Catherine Lyon non plus: comme il est impensable qu’ils aient pu se tromper, et comme d’autre part ils sont – grassement – payés pour promouvoir le changement, ils persistent.

Qu’importe où l’on va, marchons résolument ! Si la voie devient de plus en plus étroite, si les élèves sortent de la scolarité obligatoire de plus en plus mal préparés, ce n’est pas parce qu’on s’est trompé de chemin, c’est parce qu’on a manqué de moyens.

La pire humiliation, pour le randonneur bouffi d’orgueil et pour Mme Lyon, serait d’admettre qu’on s’est trompé, qu’il faut revenir un peu en arrière.

Revenir en arrière !? Quelle horreur. Vous voulez donc en revenir à l’école de grand-papa ?

Mon Dieu, si elle était meilleure, plus efficace, ou qu’elle donnait globalement de meilleurs résultats, pourquoi pas ? L’école de grand-papa est celle que j’ai connue. C’est celle qu’ont fréquentée tous ceux qui ont marqué le XXe siècle, les écrivains, les artistes, les scientifiques et les philosophes, les théologiens et les juristes, les horlogers et les couturiers qui ont aujourd’hui plus de cinquante ans.

Gardent-ils de leur scolarité un souvenir si épouvantable que l’école de grand-papa doive être stigmatisée comme si l’on y pratiquait encore les châtiments corporels ou que les élèves des trois degrés s’y entassaient à soixante par classe ?

Il faut être un freluquet sans culture – ou un pédagogiste à la rue de la Barre – pour s’imaginer que l’art d’enseigner est né avec le socio-constructivisme et la HEP.

Il faut être un crétin répétant, sans avoir jamais lu Montaigne, des citations tronquées pour s’imaginer qu’une tête bien faite pourrait être une tête vide.

A l’évidence, avant d’ordonner ses idées et de hiérarchiser ses connaissances, il faut avoir accumulé des connaissances et avoir des idées, ce que nous offrait l’école de grand-papa !

Dans bien des cas, le progrès consiste à revenir sur ses pas, jusqu’à l’intersection qui nous permettra de repartir sur la juste voie.

Claude Paschoud

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