En direct de Sirius

L’escroquerie «intellectuelle»

Une des escroqueries intellectuelles les plus nocives du XXe siècle aura été la promotion de la «vulgarisation de la pensée». D’autointronisés «maîtres à penser médiatiques» réussirent à faire accroire à des gens qui n’en avaient pas les moyens qu’ils étaient en mesure de bâtir des raisonnements. Il n’était que de considérer, dans les années cinquante, un embouteillage place de la Concorde: tous les mâles au volant, pipe au bec et front dégagé, s’«introspectaient» dans leur rétroviseur en s’émerveillant de leur ressemblance avec Jean-Paul Sartre.

Penseurs de toujours: l’homme en chemise (re)prend une veste

Décidément, rien ne va plus pour le Bazar de l’Hôtel Lévy qui se fait tailler un costard sur mesure par notre ami Hannibal1 dans une véritable anthologie de perles d’inculture sous la forme d’un entretien apocryphe qui complète utilement le massacre entrepris par Nicolas Beau et Olivier Toscer2 . Comme dans le cochon, tout est bon chez Hannibal pour aligner le penseur mondain sur pièces, gadins et autogoals aimablement pondus par l’intéressé ou fournis par des témoins à la moralité irréprochable comme MM. Vidal-Naquet ou Raymond Aron.

Lettre ouverte à un prêtre bas, lourd.

Pour la Saint-Nicolas2, ce comique de Bouvard, jadis spirituel, désormais réduit aux plaisanteries de garçons de douche, vous servait le brouet avec un empressement de sacristain. Ça grasseyait mollement dans le registre d’humour qui plaît aux tribus touchées par la grâce de Freud quand, d’un coup d’oreillette, le sujet dévia sur Monseigneur Williamson et ce que vous en pensiez. Vous crachâtes: «L’enculé d’sa race!» Le clown blanc, lui-même, marquait le coup d’un silence embarrassé. Je dus me rendre à l’évidence: je n’avais pas rêvé.

C’est très bien, Père Gilbert, d’avoir choisi de catéchiser les loubards, vêtu d’un blouson noir clouté, et de chevaucher un gros-cube assoiffé d’asphalte. Cela dit, à force de flirter avec le goudron, on finit par se demander si ça ne serait pas plutôt vos étranges loulous qui vous auraient «loubardisé». Avec les blousons, il arrive que le noir déteigne… Mais quittons vos moutons et revenons à votre crachat. Votre première assertion sous-entend une grande proximité avec l’intéressé. Est-ce le cas? Parlez-vous d’expérience? Et puisqu’un homme de Dieu ne saurait mentir ni accuser sans preuve – dans l’affirmative, donc –, savez-vous que c’est très vilain, de nos jours et dans l’esprit libéré des temps, de pointer un index réprobateur sur quiconque aurait choisi une sexualité «différente»? Votre seconde assertion – pire encore – ne peut que jeter trouble et désorientation chez vos ouailles: ainsi donc, à vous entendre, les races existeraient? Il en faut d’habitude moins que ça pour que les ligues vertueuses vous traînent au tribunal. C’est grand prodige qu’elles aient été, à votre endroit, frappées de surdité. Mais il paraît, aux termes d’un poème à vous dédié, qu’«Avec tes mains nues et ta Foi immense / Tu plonges au cœur de la violence / Et y inscris à l’encre indélébile / L’authentique message de l’Evangile». Tout s’explique et je n’ai pas dû bien entendre le message de l’Evangile; et pas non plus saisir les accents de charité chrétienne dans votre éructation. J’ai d’ailleurs aussi beaucoup de peine à ne pas me tromper sur la qualité des marchands revenus polluer les abords du Temple. En tout cas, vous n’êtes pas parvenu à remettre ma foi chancelante sur le chemin de l’Eglise. L’Eglise, voyez-vous, j’aurais tendance à la placer au ciel et pas au ras du bitume. Je continuerai donc à porter vers le haut mon regard et à m’intéresser à ce que Monseigneur Williamson a à dire et qui, semble-t-il, dérange tant. Et parodiant Cyrano, je pense que si ce Prince de l’Eglise, à qui monsieur, vous n’êtes rien, avait eu l’honneur de vous connaître, il aurait été fondé à vous coller quelque part sa sandale.

Mais à considérer votre ton graveleux et la syntaxe qui le sous-tend, je songe tout à coup que vous n’avez pas dû comprendre grand-chose à tout ce qui précède. Aussi pour m’accroupir à hauteur de votre encéphale je conclurai tout simplement:

«Aux “Grosses Têtes”, zyvapu, mon Gégé… tu sé; tu crains un max!»

Etat du français (et précisions hertziennes)

Val d’Isère (11.1.2011): cinq skieurs sont emportés par une avalanche. Le bavard de service à France Info précise, en fin de matinée: «Quatre sont morts; le cinquième n’est que plus légèrement blessé .» On est content de savoir que ce dernier aura échappé aux suites de blessures gravement mortelles.

Etat du français (polyvalence des raccourcis)

Dans le pays de Voltaire qui, depuis l’arrivée de son dernier président, a les yeux de Chimène pour le mode de vie états-unien, il faut que tout aille vite et donc, en sémantique, les raccourcis foisonnent. Ainsi chez les sonores des ondes, pour faire chic, «un restaurant gastronomique» se prononce «un gastro». C’est hélas encore un peu la saison des grandes bouffes et toujours celle des bactéries vengeresses de circonstance, alors les rapporteurs déplorent, quelques nouvelles plus loin, la vague habituelle de «gastro» (-entérites). Un peu comme si, de l’un à l’autre, il n’y avait qu’un pas qui mène souvent au «gastro» de service.

Les miracles de la charité

Le jour même où des vagues entières de touristes hivernaux étaient clouées au sol dans les aéroports parisiens par les intempéries (et aussi par le manque d’antigel), on apprenait l’arrivée sans problème de deux vols gouvernementaux livrant des petits Haïtiens à des familles adoptives françaises trépignantes. Soulagés d’apprendre qu’en France il n’y a plus de petits nationaux dans les hospices de l’Assistance Publique, les souchiens ont dû être ravis de cette nouvelle manifestation de la générosité de l’Etat et de la bonne santé des contribuables.

Cet Etat qui se désengage

Un peu partout dans les provinces d’Europe, la mode est à la privatisation de services (traitement et fourniture de l’eau, énergies, acheminement du courrier, télécommunications, autoroutes, transports nationaux) qui traditionnellement incombaient à l’Etat; sournoisement, le système de conscription disparaît pour être remplacé par des armées de métier, dont on peut soupçonner qu’elles en viendront bientôt à sous-traiter à des organisations privées (comme l’occupant états-unien le pratique en Irak)… Mais curieusement, les impôts continuent d’augmenter… Pourquoi payer plus un Etat qui rend de moins en moins service?

Les ministres et les hauts fonctionnaires incontrôlables vous remercient et vous souhaitent une bonne année 2011.

Max l’Impertinent


1 Rivarol du 7.1.2011, n° 2981, p. 9, 1 rue d’Hauteville, F 75010 Paris.

2 Une imposture française, éditions Les Arènes, ISBN: 2-912485-95-9.

3 Sur RTL, le 6.12.2010 en fin d’après-midi.

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