Avions de combat

La majorité du Conseil national veut une augmentation du plafond des dépenses pour l’armée, et exige que la commande des nouveaux avions de combat soit passée avant 2015.

Il y a encore quelques années, une telle information m’aurait rempli de joie. Elle me laisse aujourd’hui perplexe.

D’abord, cette décision a été prise contre l’avis du Conseil fédéral, lequel avait interrompu, en août dernier, et pour des motifs budgétaires, la procédure d’achat des avions destinés à remplacer la flotte des F-5 Tiger devenus trop vieux. J’observe également que c’est constitutionnellement le Conseil fédéral qui est compétent pour préserver la sécurité extérieure, l’indépendance et la neutralité de la Suisse1.

Les parlementaires veulent l’achat des nouveaux avions pendant la législature 2011- 2015, mais personne ne sait comment on pourra financer cette dépense de 3,5 à 5 milliards sans diminuer le budget des autres départements. Or, aucune piste n’a été évoquée pour de telles économies.

Il est à craindre que la recette universelle ne soit à nouveau miraculeusement découverte, qui consiste non point à restreindre les dépenses inutiles, mais à «faire payer les riches».

Le débat sur la nécessité d’acheter de nouveaux avions de combat ne peut faire l’économie d’un plus vaste débat sur l’indépendance et la neutralité de notre pays, notions qui paraissent chargées de significations fort différentes, dans le vocabulaire du gouvernement actuel, de ce qu’elles étaient encore naguère.

L’Union démocratique du centre est le seul parti qui semble attaché à une conception de l’indépendance et de la neutralité qui fait sourire les autres formations, lesquelles ne jurent que par la globalisation, la mondialisation et le libre-échange, quand ce n’est pas franchement l’adhésion à l’Union européenne ou la fusion dans un Etat mondial unifié.

Le Conseil fédéral manifeste en la matière une grande incohérence dans son action. Tantôt il proclame les vertus de l’indépendance, encourage la voie bilatérale avec l’Union européenne, tantôt il pose sa candidature au Conseil de sécurité de l’ONU, ce qui rendrait illusoires nos prétentions à la neutralité. Tantôt il offre ses bons offices à des belligérants et tantôt il hurle avec tout le monde contre le méchant Kadhafi ou le corrompu Ben Ali.

Finalement, la Suisse a-t-elle besoin d’une armée? Peut-elle se contenter d’une armée à 40'000 hommes ? Ces maigres effectifs suffiront-ils à assurer une défense crédible du territoire suisse ou cette armée et nos futurs avions de combat ne se conçoivent-ils que comme un appoint dans une défense européenne dirigée par l’OTAN?

La décision récente du National surprend car elle ne s’inscrit pas dans une doctrine cohérente de notre défense nationale. On met 5 milliards ici, mais où va-t-on les chercher? Voulons-nous encore défendre un territoire par les armes s’il le faut? Qui va s’en charger?

Avant de débloquer ces fonds, le Parlement serait bien inspiré de réclamer un programme de législature clair du Conseil fédéral, incluant non seulement la défense armée mais également la politique étrangère qu’il compte conduire ces cinq prochaines années.

Claude Paschoud

1 Article 185 Cst.

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