Editorial

Dans le canton de Vaud, la campagne en faveur de l'initiative «Ecole 2010» a commencé le 11 juin et sera aussi courte que difficile. En effet, alors qu'un retard important a été pris par rapport au délai constitutionnel pour l'organisation du scrutin – qui aurait dû avoir lieu en janvier de cette année au plus tard –, au motif que le contre-projet en cours d'élaboration ne devait en aucun cas, s'agissant d'un sujet aussi important que l'école, être «expédié» au risque de porter un grave préjudice à l'avenir de la jeunesse, au bien commun et, surtout, au «débat démocratique», la machine s'est soudain emballée. S'il a fallu dix-sept séances à la commission du Grand Conseil pour apporter quelques retouches cosmétiques au désastreux projet de loi vaudoise sur l'enseignement obligatoire (LEO) que Madame Lyon est parvenue à vendre au Conseil d'Etat, le Grand Conseil a pour sa part liquidé l'affaire en un temps record, afin de permettre un vote le 4 septembre, à la rentrée scolaire. Et si cette date est si importante aux yeux des pourfendeurs de l'initiative, ce n'est assurément pas parce que le retard pris leur provoque subitement des crises de mauvaise conscience qui perturbent quelque peu la quiétude de leurs nuits, mais bien parce qu'il leur semble opportun que les citoyens échappent autant que faire se peut, à l'abri sur les plages de sable fin, aux arguments qui pourraient les amener à voter en faveur d'«Ecole 2010». Il était donc impératif que la campagne ait lieu pendant la pause estivale; on est démocrate ou ne l'est pas…

Le détail des modifications que les initiants souhaitent apporter à la loi scolaire actuelle peut être consulté sur leur site internet, www.ecole2010.ch, ce qui requiert toutefois un goût peu courant pour la lecture d'actes législatifs. A ceux qui n'ont ni l'habitude ni le courage d'occuper leurs loisirs de la sorte, on rappellera que l'initiative, lancée par deux associations de parents et une association d'enseignants, part du constat que tant le niveau de connaissances des élèves dans les matières essentielles que leur aptitude à la concentration et à un minimum d'effort se sont effrités, situation extrêmement fâcheuse à tous égards qui peut néanmoins être corrigée par quelques améliorations, sans qu'un (nouveau) bouleversement du système soit nécessaire ni même opportun. Les problèmes dont souffre l'école vaudoise ne tiennent en effet pas à ses structures, raison pour laquelle les initiants maintiennent les trois filières de l'école secondaire, mais essentiellement au contenu de l'enseignement, aux exigences insuffisantes, aux conditions de promotions pas assez claires, aux méthodes pédagogiques inefficaces et à une certaine impuissance des enseignants face aux élèves perturbateurs.

«Ecole 2010» améliore sans chambarder

Il est possible de remédier à ces défauts par des mesures relativement simples que les initiants déclinent, sous le slogan «Ecole 2010 améliore sans chambarder, le contre-projet LEO chambarde sans améliorer», en cinq axes principaux.

Ils demandent d'abord que le système des trois filières de l'école secondaire soit maintenu, mais que les voies préparant à la formation professionnelle – la voie secondaire générale (VSG) et, surtout, la «stigmatisée» voie secondaire à options (VSO) – soient renforcées, notamment par le biais d'options, afin que les élèves aient réellement le niveau requis pour la suite de leur parcours.

Ils réclament ensuite que les programmes se déclinent annuellement et non en cycles de deux ans comme c'est le cas actuellement jusqu'à la fin de la sixième année, afin de garantir, d’une part, un meilleur suivi de l'élève, ainsi que de l'atteinte – ou non – des objectifs, et, d’autre part, une détection plus rapide des difficultés et des moyens d'y remédier.

Il s'agit, en troisième lieu, de mettre en place un système de notes, de moyennes de branches et de moyennes générales dès la première année d'école primaire – et non dès l'école enfantine, comme le prétend Madame Lyon qui n'a apparemment trouvé d'autres armes que le mensonge et la mauvaise foi pour contrer l'initiative. L'objectif est de rendre les conditions de promotion enfin claires et objectives et d'épargner aux parents le casse-tête qu'ils s'imposent tous en cherchant à traduire les appréciations ambiguës (largement atteint, atteint avec aisance, partiellement atteint et non atteint) en codes chiffrés pour tenter de deviner si leur rejeton «a la moyenne», s'il est en progrès ou si, au contraire, des mesures doivent être prises pour combler les lacunes.

Le quatrième axe, et non des moindres, consiste en la garantie de la liberté pédagogique des maîtres, tout en donnant la priorité aux méthodes explicites, qui vont du simple au complexe. En effet, les méthodes dites globales ou socio-constructivistes, où l'enseignant-animateur laisse l'enfant construire lui-même son savoir, portent sans doute la plus grande part de responsabilité dans le niveau insuffisant que les jeunes atteignent à l'issue de la scolarité obligatoire, dès lors que la majorité des élèves a besoin d'un enseignement structuré et systématique pour progresser.

Enfin, les initiants demandent la création de classes régionales d'encadrement, dispensant l'enseignement des trois filières du degré secondaire, pour les élèves capables de suivre le programme mais souffrant de problèmes comportementaux. On sait bien qu'il suffit d'un élève perturbateur pour rendre l'enseignement quasiment impossible et ainsi empêcher l'entier de la classe d'avancer dans le programme. Confier les agitateurs à des enseignants expérimentés et aux épaules solides est une opération «gagnant-gagnant» qui soulage les classes ordinaires et permet de remettre sur le droit chemin, en l'espace d'un ou deux ans, des jeunes engagés sur une mauvaise pente, sans que leur instruction en pâtisse.

LEO chambarde sans améliorer

Les membres du Grand Conseil, à l'exception de l'UDC et de l'Union démocratique fédérale, n'ont pas été sensibles à ces revendications de simple bon sens et ont préféré adopter le pseudo contre-projet LEO, la gauche pour des motifs idéologiques, les autres par un fort mauvais calcul électoraliste. Ils ont ainsi choisi de régler le problème de la VSO et de sa mauvaise réputation par sa suppression et son intégration à la VSG, avec enseignement en deux niveaux pour le français, les mathématiques et l'allemand et changement possible tous les six mois.

Les niveaux étaient sans doute le prix à payer pour faire passer la pilule auprès de la droite initialement défavorable à la réduction du nombre de filières. Et il est assez consternant de constater que celle-ci s'est fait embobiner aussi facilement, alors qu'il est évident qu'un tel système est impraticable. Il ne faudra donc pas longtemps pour que le rythme des changements possibles passe de six mois à une année. On constatera ensuite qu'après une année l'écart entre les niveaux est tel que les changements ne sont plus possibles. Dès lors, soit on renoncera à l'enseignement à niveaux, avec pour conséquence inéluctable une baisse des exigences, soit on le maintiendra en renonçant, sauf cas exceptionnels, aux changements. On aura donc le seul petit inconvénient des filières, à savoir une relative rigidité, sans leur indéniable avantage: un enseignement qui tienne réellement et globalement compte des différentes aptitudes, des différentes formes d’intelligence et des exigences des formations ultérieures.

Mais comme, à l'approche des élections tant fédérales que cantonales, l'objectif n'est pas d'améliorer le système scolaire mais de concevoir un bricolage qui fasse joli sur le papier, les aspects pratiques sont sans intérêt. C'est sans doute aussi pour cela que les députés ont jugé opportun de modifier les cycles, non pas en les ramenant au rythme naturel d'une année, mais en les prolongeant à quatre ans; et qu'ils se sont totalement désintéressés de la question essentielle des méthodes pédagogiques.

Complaisances, manœuvres et palinodies

Marc-Olivier Buffat, député radical insignifiant, se présente aujourd'hui, en tant que rapporteur de majorité de la commission du Grand Conseil, comme le sauveur de l'école vaudoise, celui grâce à qui la guerre scolaire n'aura pas lieu, le roi du compromis, le maître du consensus et le promoteur de l'«égalité des chances», toutes qualités qui sont à l'origine de la grande histoire d'amour qui semble être récemment née entre Anne-Catherine Lyon et lui. Ce seul élément suffit d’ailleurs à démontrer que la LEO doit à tout prix être rejetée.

Il ne faut en tout cas pas se laisser berner par les prétendus pas qui ont été faits en direction des initiants, à savoir, pour l'essentiel, des notes sans moyennes – c'est-à-dire rien d'autre que des appréciations chiffrées – dès la troisième primaire, et la référence, dans la disposition relative aux buts de l'école – dont la valeur normative est donc nulle –, au travail et à l'effort. Ce contre-projet n'en est pas un, car tant son contenu que son esprit vont dans une direction diamétralement opposée à celle de l'initiative, laquelle est seule à même de contrer la tendance à la médiocrité, à l'inculture et à l'illettrisme amorcée à la fin des années cinquante et renforcée par la réforme EVM. L'initiative est aussi le dernier obstacle à la volonté affichée de Mme Lyon et de ses sbires d'aboutir, à terme, au système de l'école unique.

Quant à tous les députés félons qui se sont lamentablement aplatis ou ont carrément retourné leur veste, à l'instar de Jacques-André Haury, dont on espère qu'il accorde plus de soin au traitement des ses patients qu'à ses choix politiques, ils ont mérité de prendre une bonne claque le 4 septembre. Il faudra donc voter NON à leur projet et OUI à l'initiative «Ecole 2010».

Le nerf de la guerre

Dès lors que le soutien moral, si réconfortant soit-il, n'est pas aussi efficace que le soutien financier pour gagner une campagne, on sera reconnaissant à tous ceux de nos lecteurs qui voudront bien, avant de glisser leur bulletin de vote dans l'urne, faire bon usage du bulletin de versement joint au présent numéro1, afin de donner un coup de pouce aux défenseurs de l’école vaudoise.

Le Pamphlet

1 Pour nos abonnés internet: ccp 17-332449-1.

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