Liberté religieuse et préservatif

Pour se faire entendre des hommes de notre temps, Benoît XVI défend partout la liberté religieuse. Mais lorsqu’il déclare que le préservatif accroît le problème du sida au lieu de le résoudre, il cesse aussitôt d’être entendu. Ces deux opinions traduisent bien l’impasse dans laquelle le modernisme met le catholicisme et la paralysie de l’apologétique qu’il entraîne avec lui.

La liberté religieuse est reçue dans la société moderne parce qu’elle banalise le fait religieux, jusqu’à le nier hypocritement, c’est-à-dire en affirmant le contraire du respect à son égard, un mépris sournois. Si toutes les religions ont un droit égal à être acceptées, ce ne peut qu’être parce que toutes sont faillibles, qu’aucune n’est révélée en dehors de son propre point de vue sur la question. Aucune croyance de cet ordre n’a donc d’importance que subjective. Dire que la religion est affaire d’opinion revient à nier que la vérité en cette matière puisse être connue. Ceci n’est pas autre chose qu’une profession d’athéisme. Quand la religion sombre dans le verbiage, elle est réduite, quelle qu’elle soit, à l’insignifiance. A ce régime, aucune science ne résisterait… ni aucune philosophie; aucune sagesse non plus. Le nihilisme de cette doctrine devient de jour en jour plus évident.

Mais il y a une solidarité entre le rejet du sérieux de la croyance religieuse et celui de la vérité morale, en sorte que la première déviance une fois admise, aucune vérité morale ne passe plus dans des opinions publiques gagnées par le premier virus. Nul ne contestera que le sida soit lié à des comportements à risque. Or préserver ces comportements en n’en corrigeant les effets délétères que par un moyen mécanique est un gage donné à l’irresponsabilité personnelle et collective, pire, l’expression même d’une véritable démission morale. Autrement dit, désapprouver Benoît XVI sur ce point revient à affirmer que la démission morale est un impératif de notre époque, à soutenir et à confirmer… Que valent, dans ces conditions, tous les discours sur la justice? Tout est verbiage et Benoît XVI est puni par où il pèche publiquement.

Voici un peu de lumière dans cette nuit contemporaine: «L’ignorance et l’aveuglement sont les apanages du péché: l’expérience ne nous l’apprend que trop. Mais puisque nous marchons dans les ténèbres, conclut admirablement saint Augustin, il faut donc que nous mesurions tous nos pas, et que notre circonspection supplée au défaut de nos lumières. Or elle n’y peut suppléer qu’en nous faisant observer inviolablement cette maxime, d’être exacts et religieux dans les plus petites choses.» Voilà, dit saint Augustin, le correctif nécessaire de notre ignorance en ce qui concerne la conduite du salut – rien où les hommes soient plus sujets à se tromper et plus exposés à l’erreur qu’en ce qui regarde la conscience et la religion. Ecoutez la raison qu’en apporte saint Grégoire pape; elle est remarquable et digne de lui: «(…)Un objet, pour être vu clairement et distinctement, doit être à l’égard de l’œil qui le voit, dans une juste distance; c’est-à-dire qu’il n’en doit être ni trop proche ni trop éloigné. – Il en est de même de notre esprit et de ses connaissances. – Voilà ce qui nous rend aveugles dans les devoirs de la conscience et de la religion. Car les matières de la religion son infiniment élevées au-dessus de nous (…)hors de la sphère et de l’activité de notre esprit; et celles de la conscience sont au-dedans de nous-mêmes. – Ainsi l’esprit de l’homme est-il pénétrant, subtil et plein de sagacité pour tout le reste, hors pour la conscience, qui est son œil et par où il doit se connaître.»

Conclusion: «L’homme étant aveugle dans ces deux choses, je dis en ce qui regarde la religion et la conscience, il est inévitable pour lui de s’y tromper s’il n’apporte un soin extrême à se préserver des illusions où son aveuglement peut le conduire»1 par malice autant que par ignorance.

D’où l’importance et la nécessité absolue que l’Eglise se présente au monde comme l’unique mandataire de Dieu légitimée par Lui directement pour former et diriger les consciences, c’est-à-dire parer avec efficacité et certitude aux défauts des hommes qui favorisent leur ignorance et leur aveuglement en ces deux domaines. Ou la religion catholique est abordée comme la seule véritable et infaillible, et la conscience morale peut rester droite ou se redresser, ou l’homme est abandonné à son ignorance et à son aveuglement à cause du péché originel sur le premier objet, et parler du second devient carrément une supercherie.

NOTES:

1) Extrait du sermon de Bourdaloue pour le mercredi de la troisième semaine de Carême.

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