Editorial
Le Conseil des Etats a-t-il encore une utilité pour les cantons suisses? On peut se poser la question – une fois de plus! – quand on voit que – une fois de plus! – les députés au Conseil des Etats, nouveaux ou reconduits, issus des dernières élections fédérales représentent non pas leurs cantons, mais les intérêts de leurs partis. Alors, puisque ces élus font double emploi avec ceux du Conseil national, pourquoi s’obstiner à les envoyer siéger à Berne?
La question paraît d’autant plus pertinente qu’il existe «de nouveaux pions [qui] évoluent sur l’échiquier des relations entre cantons. Ces "ambassadeurs" sont le signe tangible d’un fédéralisme en mutation, plus compétitif. (…)»1
Les cantons ressentent donc bien la nécessité d’avoir leur mot à dire à Berne. Ils sont bien conscients que la fonction de conseiller aux Etats a été vidée de sa substance et que ceux qui sont censés les représenter ne le font plus et votent parfois, souvent même, contre leur intérêt bien compris. Mais au lieu de réclamer une révision des institutions qui rendrait aux conseillers aux Etats leur fonction première, ils subissent la situation et, pour certains, procèdent à un replâtrage sous forme d’une doublure plus ou moins officielle, donc plus ou moins clandestine, d’une «personne de référence qui fait office de coordinateur des relations extérieures».
Ces "ambassadeurs" sont-ils le signe tangible d’un fédéralisme en mutation? Certainement, si par «en mutation» on entend «en voie de disparition». Leur rôle, à ce que nous avons compris, ne consiste pas à rappeler à la Berne fédérale les limites de ses compétences et le principe de subsidiarité, mais à tenter d’orienter les projets de lois fédérales dans un sens favorable aux intérêts spécifiques de leur canton, avant même que ne soit engagée la procédure de consultation.
On comprend mieux alors la notion à première vue absconse de fédéralisme compétitif. Il ne s’agit plus pour les cantons d’imposer, en plus de la protection de leurs intérêts propres, le respect de leur souveraineté ou de ce qui en reste, mais uniquement de défendre des intérêts particuliers qui entrent en compétition avec ceux d’autres cantons, tout en reconnaissant la primauté du pouvoir fédéral.
C’est un fédéralisme de ce tonneau-là qui sert de base à l’Union européenne. Nous n’en voulons pas.
Ce qu’il nous faudrait – on peut toujours rêver –, c’est une réforme des institutions qui dépasse la réorganisation du Conseil fédéral sempiternellement évoquée. Qu’on sacrifie à la déesse démocratie en élisant un Conseil national prétendument représentatif du peuple et des partis, c’est inévitable à notre époque d’aveuglement idéologique. Mais les conseillers aux Etats devraient, eux, être les véritables ambassadeurs des cantons, comme l’étaient autrefois les délégués à la Diète. Ces représentants ne seraient pas élus, mais engagés en fonction de leur aptitude à comprendre et à expliquer les dossiers et leurs enjeux, de manière à ce que les autorités cantonales puissent se prononcer et leur donner ensuite des consignes; à soutenir ensuite à Berne, indépendamment de leurs propres convictions, la volonté de leur canton comme si c’était la leur. C’est ainsi que les choses se passaient au temps de la Diète et, quoi qu’on puisse croire, les lenteurs qui retardaient la résolution des questions confédérales ne tenaient pas à un déficit de démocratie ou à la difficulté d’obtenir une majorité, voire une unanimité, mais au fait que les délégués devaient faire de nombreux allers et retours pour prendre les ordres de leurs cantons en un temps où le mot «télécommunication» n’avait pas cours.
Il n’en va plus ainsi à une époque où pullulent les ordinateurs portatifs et les téléphones mobiles.
Pourquoi ne pas oser une réforme du Conseil des Etats?
Le Pamphlet
1 www.swissinfo.ch, 9 novembre 2011
La question paraît d’autant plus pertinente qu’il existe «de nouveaux pions [qui] évoluent sur l’échiquier des relations entre cantons. Ces "ambassadeurs" sont le signe tangible d’un fédéralisme en mutation, plus compétitif. (…)»1
Les cantons ressentent donc bien la nécessité d’avoir leur mot à dire à Berne. Ils sont bien conscients que la fonction de conseiller aux Etats a été vidée de sa substance et que ceux qui sont censés les représenter ne le font plus et votent parfois, souvent même, contre leur intérêt bien compris. Mais au lieu de réclamer une révision des institutions qui rendrait aux conseillers aux Etats leur fonction première, ils subissent la situation et, pour certains, procèdent à un replâtrage sous forme d’une doublure plus ou moins officielle, donc plus ou moins clandestine, d’une «personne de référence qui fait office de coordinateur des relations extérieures».
Ces "ambassadeurs" sont-ils le signe tangible d’un fédéralisme en mutation? Certainement, si par «en mutation» on entend «en voie de disparition». Leur rôle, à ce que nous avons compris, ne consiste pas à rappeler à la Berne fédérale les limites de ses compétences et le principe de subsidiarité, mais à tenter d’orienter les projets de lois fédérales dans un sens favorable aux intérêts spécifiques de leur canton, avant même que ne soit engagée la procédure de consultation.
On comprend mieux alors la notion à première vue absconse de fédéralisme compétitif. Il ne s’agit plus pour les cantons d’imposer, en plus de la protection de leurs intérêts propres, le respect de leur souveraineté ou de ce qui en reste, mais uniquement de défendre des intérêts particuliers qui entrent en compétition avec ceux d’autres cantons, tout en reconnaissant la primauté du pouvoir fédéral.
C’est un fédéralisme de ce tonneau-là qui sert de base à l’Union européenne. Nous n’en voulons pas.
Ce qu’il nous faudrait – on peut toujours rêver –, c’est une réforme des institutions qui dépasse la réorganisation du Conseil fédéral sempiternellement évoquée. Qu’on sacrifie à la déesse démocratie en élisant un Conseil national prétendument représentatif du peuple et des partis, c’est inévitable à notre époque d’aveuglement idéologique. Mais les conseillers aux Etats devraient, eux, être les véritables ambassadeurs des cantons, comme l’étaient autrefois les délégués à la Diète. Ces représentants ne seraient pas élus, mais engagés en fonction de leur aptitude à comprendre et à expliquer les dossiers et leurs enjeux, de manière à ce que les autorités cantonales puissent se prononcer et leur donner ensuite des consignes; à soutenir ensuite à Berne, indépendamment de leurs propres convictions, la volonté de leur canton comme si c’était la leur. C’est ainsi que les choses se passaient au temps de la Diète et, quoi qu’on puisse croire, les lenteurs qui retardaient la résolution des questions confédérales ne tenaient pas à un déficit de démocratie ou à la difficulté d’obtenir une majorité, voire une unanimité, mais au fait que les délégués devaient faire de nombreux allers et retours pour prendre les ordres de leurs cantons en un temps où le mot «télécommunication» n’avait pas cours.
Il n’en va plus ainsi à une époque où pullulent les ordinateurs portatifs et les téléphones mobiles.
Pourquoi ne pas oser une réforme du Conseil des Etats?
Le Pamphlet
1 www.swissinfo.ch, 9 novembre 2011
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