Ecrits de saint

L’état du monde présent n’échappe plus aux personnes ayant gardé leur bon sens. C’est ce bon sens, première manifestation de la sagesse véritable, qu’il convient de conforter. Aussi je ne crois pas mieux faire en formulant mes vœux de nouvel an à tous mes lecteurs que de leur communiquer quelques pensées de Charles de Foucauld. Elles ne doivent rien à la mode de leur temps, et c’est là un critère de vérité; elles ne témoignent d’aucune complaisance, et c’est là un témoignage de fidélité religieuse et de courage; elles manifestent une charité brûlante et, dans le contexte actuel, cela prend valeur de lettre d’accusation sans appel contre tous les adeptes, laïcs ou religieux, de la honteuse neutralité confessionnelle, celle des Etats comme celle des individus.

Voici donc.

1. La sainteté rend lucide et beaucoup plus perspicace que la seule science universitaire, surtout lorsque celle-ci est détachée de la foi religieuse. Dans une lettre au duc de Fitz-James écrite avant la première guerre mondiale, Charles de Foucauld prévoyait déjà ce qu’aujourd’hui nous connaissons sous le nom d’islamisme:

«Ma pensée est que si, petit à petit, doucement, les musulmans de notre empire colonial du nord de l’Afrique ne se convertissent pas, il se produira un mouvement analogue à celui de la Turquie: une élite intellectuelle se formera dans les grandes villes, instruira à la française, sans avoir l’esprit ni le cœur français, élite qui aura perdu toute foi islamique, mais en gardant l’étiquette pour par elle influencer les masses… et quand elle trouvera l’occasion, (…) elle se servira de l’islam comme d’un levier pour soulever les masses ignorantes et chercher à créer un empire africain musulman indépendant.»

N’est-ce pas ce que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de «printemps arabe»? La vérité transcende le temps et, dans les saints, va infiniment plus loin que celle pressentie par les savants.

2. Sans complaisance…: «Vis-à-vis des musulmans qui sont des demi-barbares, la voie n’est pas la même qu’avec des idolâtres, des fétichistes, des gens tout à fait sauvages, des barbares ayant une religion tout à fait inférieure, ni qu’avec des civilisés… Il semble qu’avec les musulmans, la voie soit de les civiliser d’abord, de les instruire d’abord, d’en faire des gens semblables à nous; ceci fait, leur conversion sera chose presque faite elle aussi. Car l’islamisme ne tient pas devant l’instruction; l’histoire et la philosophie en font justice sans discussion: il tombe comme la nuit devant le jour.»1 Et ceci: «Mais hors de la religion catholique, hors de la religion chrétienne surtout, peu d’âmes ne sont pas en état habituel de péchés mortels. Les trois concupiscences – sens, orgueil, avarice – règnent en reines dans la plupart des âmes; les dehors de ce monde musulman sont séduisants – comme des personnes fardées et couvertes d’oripeaux qu’on voit de loin; lorsqu’on les voit de près, ce sont des horreurs.»2

3. Charité et politique: «Il ne faut pas nous mêler de gouvernement temporel… mais il faut “aimer la justice et haïr l’iniquité” et quand un gouvernement commet une grande injustice contre ceux dont nous sommes dans une certaine mesure chargés, (…) il faut le lui dire, car c’est nous qui représentons sur cette terre la justice et la vérité, et nous n’avons pas le droit d’être des “sentinelles endormies”, des “chiens muets”.»3 «Quels que soient les infidèles, ils ne sont pas plus difficiles à convertir que les Romains et les barbares des premiers siècles du christianisme; si opposé que puisse être à l’Eglise le gouvernement de leur pays, il ne l’est pas plus que Néron.»4 «Le gouvernement (français) interdit au clergé séculier de faire de la propagande antimusulmane; mais il ne s’agit pas de propagande ouverte; les relations amicales avec beaucoup d’indigènes, tendant à amener lentement, doucement, silencieusement les musulmans à se rapprocher des chrétiens devenus leurs amis, ne peuvent être interdites par personne. (…) Il y a toute une propagande tendre et discrète à faire auprès des indigènes infidèles, propagande qui veut avant tout de la bonté, de l’amour et de la prudence, comme quand nous voulons ramener à Dieu un parent qui a perdu la foi…»5

Nous sommes ici fort loin de l’anarchie intellectuelle, spirituelle et morale devenue une sorte de règle de conduite en Occident6.

Avec mes meilleurs vœux!

Michel de Preux

1 Lettre à l’abbé Caron du 9 juin 1908.

2 Lettre à Raymond de Blic, 1905.

3 20 septembre 1908.

4 Ibid.

5 Lettre à René Bazin du 29 juin 1916.

6 Tous ces textes sont tirés de Charles de Foucauld - Pensées intempestives, dérangeantes et incorrectes, publié aux éditions de l’Œuvre , 26 rue Jacob, F-75006 Paris, et diffusé aussi par la SARL Diffusion de la pensée française, Boîte postale 1 F-86190 Chiré-en-Montreuil (Vienne).

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