Proche-Orient: deux avis: Essayons d’être réalistes

Quand je lis les commentaires relatifs aux événements de Palestine et, en particulier, à la récente réaction israélienne aux tirs de roquettes du Hamas contre des colonies juives, je constate que, quel que soit le parti qu’ils prennent, commentateurs et militants se fondent sur des a priori idéologiques.

Les partisans, le plus souvent inconditionnels, de l’Etat d’Israël rappellent le droit imprescriptible des Israéliens d’occuper la terre de leurs ancêtres, puisque cette terre leur fut promise par Dieu et confirmée par l’Holocauste. Ils affirment aussi, et c’est logique, que les représailles exercées par les dirigeants israéliens contre leurs ennemis relèvent de la légitime défense.

Les défenseurs des Arabes de Palestine, tout aussi fanatiques, soutiennent que le combat du peuple palestinien contre l’occupant qui les a spoliés de leur terre et de leurs droits est hautement légitime, et doit être mené jusqu’à son terme: l’éradication d’Israël pour les plus radicaux; la création d’un Etat palestinien pour les plus «modérés».

Je ne vais pas prendre parti dans cette querelle: du fait même des présupposés idéologiques, les informations que nous recevons par voie de presse sont, au moins en partie, déformées et lacunaires, donc sujettes à caution. Et puis, la situation est tellement compliquée qu’il serait présomptueux de ma part de vouloir proposer une solution.

Je voudrais juste commenter trois notions qui reviennent sans cesse sur le tapis: la légitimité de l’Etat d’Israël, le concept de peuple palestinien, et le caractère disproportionné des représailles exercées par les autorités israéliennes contre les «résistants».

Oublions un peu les arguments religieux et tâchons de rester dans le domaine des faits.

La plupart des Etats nouveaux s’établissent à la suite d’un coup de force. Ce fut le cas, en 1948, de l’Etat d’Israël proclamé unilatéralement au nez et à la barbe de l’ONU. Ce fut le cas aussi, en Suisse en 1803, du pays de Vaud et des autres pays sujets élevés au rang de cantons, et imposés comme tels à leurs anciens maîtres, par une volonté extérieure, celle de Napoléon Bonaparte.

La légitimité de ces Etats s’inscrit d’une part dans la reconnaissance, d’autre part dans la durée.

En ce qui concerne les nouveaux cantons de 1803, on sait que, au moment de la Restauration, leur reconnaissance fut menacée par les revendications de leurs anciens maîtres, en particulier de Leurs Excellences de Berne, et qu’il fallut le soutien du tsar Alexandre 1er et l’activité inlassable de son ministre Capo d’Istria pour écarter le péril. Pour ce qui est de la durée, deux siècles de loyale coopération confédérale les mettent à l’abri de toute contestation.

En ce qui concerne Israël, et sous réserve de quelques irréductibles nationalistes arabes soutenus, dit-on, par l’Iran, la reconnaissance existe: la «communauté internationale» entretient avec ce pays des relations diplomatiques, il est entré à l’ONU en 1949 et n’en a pas été exclu, en dépit de sa propension à ne pas respecter les résolutions du pachyderme. Reste la durée, et là, il est trop tôt pour se prononcer: soixante ans, c’est court au regard de l’histoire.

Qu’en est-il du peuple palestinien? Les mouvements nationalistes de Gaza et de Cisjordanie, ainsi que leurs partisans, désignent ainsi les Arabes de Palestine, comme si ces derniers constituaient une nation séculaire, une entité homogène dotée d’une histoire commune, vécue avec des institutions communes, sur une terre ancestrale. Il suffit de se pencher sur l’histoire de la Palestine pour voir que ce territoire a passé de main en main depuis la nuit des temps, que les mouvements de populations y ont été nombreux et importants, ce qui est peu propice à la naissance d’un sentiment national. Il ne s’ensuit pas, bien entendu, que les Arabes de Palestine soient indésirables sur cette terre, mais il est excessif de les présenter comme les légitimes propriétaires des lieux.

Le caractère disproportionné des représailles exercées par Israël contre ses adversaires me paraît évident, et rappelle les dizaines d’otages fusillés, en France, par les forces d’occupation chaque fois que des résistants abattaient un officier allemand.

Il est de bon ton, dans certains milieux, d’expliquer que ces représailles disproportionnées avaient un but dissuasif, et qu’il fallait être non pas un noble résistant mais un terroriste criminel pour continuer à tuer des Allemands en sachant – car c’était officiel – que des dizaines d’innocents paieraient pour ces actes irresponsables commis sous prétexte qu’on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs. Ce sont souvent les mêmes qui stigmatisent la répression israélienne. Pourtant, le Hamas ne peut pas ignorer que ses tirs de roquettes, même s’ils ne font pas beaucoup de victimes – que vaut la vie, je vous le demande, de deux ou trois colons israéliens qui n’ont rien à faire là au regard de la noble cause du peuple palestinien! –, vont entraîner une riposte qui fera, elle, des centaines de morts et de blessés, sans compter les maisons détruites et les survivants réduits à la misère.

Il ne peut y avoir deux poids et deux mesures. Qu’on les appelle résistants ou terroristes, les gens qui sacrifient sans états d’âme la vie d’autrui à leur idéologie sont des assassins. Et ce n’est pas parce que les terroristes sionistes ne valaient pas mieux au siècle dernier que les terroristes arabes d’aujourd’hui doivent être considérés comme des héros ou des martyrs.

La situation actuelle est moins que jamais propice à la paix. Et l’intervention constante de la «communauté internationale» ne fait que prolonger la guerre et augmenter le nombre des victimes. Je me dis parfois que si l’on abandonnait les Israéliens et les Arabes de Palestine à eux-mêmes, la question serait vite réglée en vertu du principe selon lequel la raison du plus fort est toujours la meilleure, étant entendu que, à moins de faire beaucoup d’enfants, le plus fort d’aujourd’hui ne sera pas forcément celui de demain.

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