Editorial

Les journalistes de la grande presse ont l’âme des «roille-gosses», ces instituteurs de campagne de jadis, amateurs d’une stricte discipline, ou des pasteurs de l’ancien régime, prompts à dénoncer au bailli les comportements contraires aux bonnes mœurs de leurs paroissiens.

C’est ainsi qu’on les sent tout émoustillés lorsque la Commission européenne, ou quelque autre insignifiant organe de Bruxelles, adresse une admonestation à un Etat membre. C’est même proprement l’enthousiasme lorsque l’Union durcit le tonà l’égard de la Suisse!

Il faut avouer qu’à force de se durcir le ton de la Commission doit ressembler à du diamant !

Le 20 juillet 2006, Bruxelles durcissait déjà le ton à l’égard de France-Telecom, condamnée à une amende qu’elle refusait de payer.

Le 1er juillet 2009, c’est l’interruption de l’approvisionnement de gaz russe qui lui fait durcir le ton.

Le 1er juin 2010, au sujet des bonus et des rémunérations variables dans les services financiers, le Figaro nous apprend que Bruxelles durcit le ton.

En septembre 2010, au sujet du renvoi des Roms par la France, Bruxelles avait durci le ton et Mme Viviane Reding avait déclaré que sa patience avait atteint ses limites.

Le 1er décembre de la même année, la correspondante à Londres de l’AGEFI Hebdo nous apprenait que M. Karel Lanoo, directeur général d’un «think-tank» basé à Bruxelles, avait critiqué la politique britannique et durci le ton à l’égard de Londres.

Le 3 février 2011, le Commissaire européen Joaquin Almunia durcissait le ton à l’égard du plan de restructuration des banques régionales allemandes, notamment de la WestLB, banque de Rhénanie-du-Nord-Westphalie.

Le 28 février 2011, c’est Cathy Ashton qui durcissait le ton à l’égard de la Libye.

Le 3 novembre 2011, l’éditorialiste de l’Hebdo observait que M. Michael Reiterer, ce chaleureux Autrichien, avait au début séduit tout le monde à Berne, mais qu’il était tombé en disgrâce lorsque Bruxelles avait durci le ton envers la Suisse.

Le 29 février 2012, l’Union européenne durcit le ton à l’égard de la Biélorussie et de son président Alexandre Loukachenko, qui aurait fait emprisonner des opposants.

Le 7 mars 2012, Bruxelles durcit le ton à l’égard de la Hongrie, sommée de modifier deux de ses lois (votées démocratiquement par un parlement élu régulièrement) pour satisfaire la Commission (qui n’est élue par personne…).

Le 7 avril 2012, c’est l’ONU qui durcit le ton à l’égard de Pyongyang à la suite du lancement (raté) d’une fusée…

Le 16 avril, Bruxelles durcit le ton à l’égard de l’Argentine, dont la présidente Cristina Kirchner a décidé de nationaliser une compagnie pétrolière appartenant à une entreprise espagnole, ce qui a fait réagir M. Karel de Guchet, commissaire en charge du commerce international.

Encore plus récemment, le commissaire européen à la santé des consommateurs, John Dalli, a rappelé à la France une directive de 2001 sur la protection des truies portantes, non respectée depuis onze ans, ce qui a incité la Commission à durcir le ton.

* * *

La situation économique dans laquelle pataugent aujourd’hui les membres de l’Union européenne devrait inciter ses organes, qui n’ont su ni prévenir la crise ni même la prévoir, à une certaine modestie.

Les instances de Bruxelles pourraient se demander si c’est par hasard que la Norvège et la Suisse ne vont pas si mal, que le taux de chômage est largement inférieur, dans ces pays (3,2%), à la moyenne des pays membres de l’Union (9,5%).

Ces constatations faites, Bruxelles serait bien inspirée non seulement d’adoucir le ton, mais même d’adopter un mutisme complet, surtout à l’égard de la Suisse, aussi longtemps que l’Union européenne n’aura pas fait de l’ordre dans sa maison.

Quant aux journalistes avides de condamnations de notre pays, ils seront largement servis par les travaux de M. Hans-Ulrich Jost et de sa clique d’assistants gauchistes.

Claude Paschoud

Cet article a été vu 3137 fois

Recherche des articles

:

Recherche des éditions