L'affaire des gitans

         On ne juge des intérêts qu'à la lumière des principes, faute de quoi les premiers perdent toute limite et toute décence, et les seconds tout sérieux. C'est un peu ce qui est arrivé à Collombey-Muraz à la fin de juillet et au début du mois d'août 2012, lors du campement sauvage de gitans sur une propriété privée, alors même qu'un espace prévu officiellement pour ces personnes existe près de Martigny. Les intéressés n'en voulaient pas, c'est pourquoi ils préférèrent user de la manière forte et du fait accompli pour imposer un prix de location à leur convenance à un simple citoyen suisse, escomptant avec lucidité une carence de protection étatique!

 

         Effectivement, l'affaire tourna à l'avantage incontestable des provocateurs, qui ridiculisèrent services d'ordre et magistrature locale… Dans son édition du jeudi 26 juillet, Le Nouvelliste évoquait l'impuissance de l'Etat – «Il est difficile d'actionner la justice» faute de plainte –, citant les délits de violation de domicile et de dommage à la propriété. L'information était nettement tendancieuse et juridiquement inexacte, car, dans le cas d'espèce, le deuxième délit cité se poursuivait d'office, comme le prévoit très explicitement l'article 144 alinéa 2 du code pénal suisse ainsi libellé: «Si l'auteur a commis le dommage à la propriété à l'occasion d'un attroupement formé en public, la poursuite aura lieu d'office.» Il est tout de même surprenant qu'un délit commis au su et au vu du public crée pour des agents de l'Etat un quelconque embarras, un défaut de plainte étant manifestement inadmissible comme excuse dilatoire. En outre, un second délit, également poursuivi d'office, était envisageable en l'occurrence: le délit de contrainte (art. 181 CPS). Il y avait donc en l'espèce un concours d'infractions poursuivies d'office!

 

         La séquence télévisée au moment des faits attestait qu'un conseiller municipal de Collombey-Muraz, frère de la victime, incita son frère à négocier avec les agresseurs, avec en plus l'approbation de la police! La négociation eut lieu effectivement, aboutissant à un contrat de location au prix convenu… par les intrus! Cette attitude est déplorable, car elle équivaut à favoriser la violence aux dépens du droit, y compris du droit civil puisqu'un contrat conclu dans de telles conditions n'oblige pas (art. 29 du code des obligations).

 

         On aura beau dire et écrire tout ce qu'on voudra sur cette affaire, l'Etat et ses organes d'ordre et de répression avaient non seulement la possibilité mais le devoir d'intervenir dans cette affaire, d'abord en dissuadant la victime de négocier avec ses agresseurs, puis en agissant de manière à ce que la cérémonie prévue par eux ne puisse se dérouler. Si la défense immédiate du droit de propriété et de sa sécurité, ainsi que l'ordre public, nécessitaient éventuellement l'intervention de l'armée, ce moyen aurait dû être utilisé sur-le-champ.

 

         En effet, c'est un principe élémentaire de l'Etat fondé sur le droit que celui-ci n'est pas un garant conditionnel de l'ordre public et de la sécurité privée. L'Etat cesse d'être crédible quand il cesse d'en être toujours et en permanence un garant effectif. C'est à mon sens la leçon à retenir de cette triste affaire.

 

M.d.P.

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