Blasphème

 

Sous le titre Un film blasphématoire de trop, et sous la signature de M. Laszlo Molnar, le quotidien Le Matin du 13 septembre s’en prend au film L’innocence des musulmans qualifié de «film bête et méchant, blasphématoire, mauvais artistiquement, navet» ou «simplement révoltant».

 

La sortie de ce film a provoqué la colère populaire à Benghazi, où des centaines de manifestants ont pris d’assaut la représentation diplomatique américaine, tuant quatre Américains dont l’ambassadeur Christopher Stevens, avant de mettre le feu au consulat.  L’Oncle Sam peut se féliciter d’avoir permis à la Libye de sortir de l’obscurantisme pour entrer dans l’ère de la liberté et de la démocratie!

 

M. Sam Bacile, réalisateur du film dont le promoteur est le pasteur Terry Jones, a déclaré vouloir montrer que «l’islam était un cancer» et que le prophète était un pédophile.

 

De tels propos sont-ils blasphématoires, même s’ils représentent une vérité démontrable pour la majorité des Occidentaux? Sans doute, puisque, selon Wikipedia, «la variabilité de l'importance du blasphème en droit tient surtout au contexte social. Quelle que soit la religion concernée, le recours à cette notion (pour justifier une action quelconque) n'est possible que si le sentiment religieux qui a été blessé est suffisamment fort».

 

La libre expression trouve donc sa limite non point dans la vérité, ni même dans l’éventuelle intention de choquer qui anime l’auteur du discours, mais dans la perception de ce discours par ses auditeurs.

 

Le Tribunal cantonal de l’Etat de Fribourg et le Tribunal fédéral ont, dans cet ordre d’idées, admis que «la perception spécifique de la victime peut suffire à qualifier de harcelante une conduite considérée par le Tribunal comme objectivement anodine»1, tels des courriels relevant de la «mysogynie ordinaire».

 

Dans le cas des controverses historiques, elles sont d’autant moins bien tolérées qu’une partie importante de la population s’est bâti une identité collective sur des mythes et que la mise en cause de ces mythes est donc de nature à bousculer des certitudes et à troubler l’ordre public.

 

La vénération du Prophète pour les musulmans ou la religion de l’Holocauste pour les Occidentaux font partie des vérités révélées qu’on ne saurait mettre en doute impunément.  Le sentiment religieux est suffisamment fort pour que même l’expression d’une incrédulité soit constitutive de blasphème.

 

En revanche, le sentiment d’appartenance des chrétiens à une communauté, à une Eglise, à une foi est en voie de disparition. Ils n’évangélisent plus, ils ne s’affirment pas, ils dialoguent!

 

On peut donc produire des films qui ridiculisent leur Dieu, des pièces de théatre où leur Sauveur est présenté de façon abjecte, on les traitera d’extrémistes s’ils protestent.  Dans ce cas, le blasphème ne trouble pas l’ordre public et la liberté artistique doit l’emporter.

 

Dans cinquante ans, les chrétiens seront minoritaires en Europe et la charia sera la loi. Je n’y serai plus pour le voir.

 

Claude Paschoud

NOTES:

1 ATF 4A_178/2010

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