Editorial

 

En matière d’asile, il y a deux conceptions totalement et radicalement inconciliables qui s’affrontent: les généreux, les grands cœurs, qui voudraient venir en aide à tous les déshérités du monde, qui sympathisent (au sens propre) avec les malheureux qui fuient leur pays d’origine d’un côté, et de l’autre les réalistes, les pragmatiques, les cœurs secs et les égoïstes qui ne perçoivent dans le phénomène migratoire mondial que les dangers et les inconvénients subis par les ressortissants des pays d’accueil et qui sont insensibles à l’immense espoir porté par les migrants.

 

Si le Conseil national a décidé en juin dernier de durcir sensiblement les conditions d’accueil des requérants, c’est pour casser l’appel d’air qui faisait de la Suisse le pays de Cocagne pour les migrants d’Afrique débarqués en Italie.

 

Sur l’opportunité d’un référendum, la gauche est divisée.

 

Le parti socialiste n’a pas consulté sa base, probablement parce qu’il craint que le militant Lambda, qui travaille dur et qui paie ses impôts, soit mal disposé à ce que ces impôts servent à entretenir, ne serait-ce que pendant les trois premiers mois dès leur arrivée, des cohortes de parasites inactifs. Or, les dirigeants du PS sont soucieux de maintenir l’image d’un parti accueillant, généreux et ouvert. Un vote de la base approuvant les mesures restrictives du Parlement serait du plus fâcheux effet pour le look du parti.

 

Mais le référendum aura un autre effet pervers. Tout le monde s’accorde à penser que si la question est posée au peuple, celui-ci approuvera les mesures restrictives à une forte majorité, ce qui va leur conférer une légitimité accrue, au grand dam de ceux qui souhaitent que la Suisse soit encore plus ouverte, encore plus accueillante, encore plus généreuse.

 

Sur le fond, le problème est pratiquement insoluble, car les données actuelles en sont fausses.

 

Le droit d’asile était jadis le droit conféré à un Etat d’accueillir et de protéger un ressortissant d’un autre Etat qui réclamait qu’on le lui livre.

 

Le droit d’asile est devenu aujourd’hui le droit subjectif d’un étranger X d’obtenir une autorisation de séjour dans un pays de son choix, pourvu qu’il ait été, dans son pays de dernière résidence, «exposé à de sérieux préjudices en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social déterminé ou de ses opinions politiques».

 

Ce droit subjectif confère évidemment au requérant un droit de recours en cas de refus, ce qui allonge les procédures de façon nettement excessive, à cause du manque de moyens attribués au Tribunal administratif fédéral (TAF).

 

C’est la générosité de la Suisse en matière d’accueil (jusqu’à l’entrée en vigueur des mesures restrictives) combinée à la longueur de la procédure avant la décision définitive et le renvoi, rarement effectif, qui incitent les populations les plus défavorisées du monde entier à tenter leur chance en Suisse.

 

Dans un précédent éditorial consacré au navet de M. Fernand Melgar, Vol spécial, en octobre 2011, nous  relevions que l’accélération des procédures ne servirait à rien aussi longtemps qu’on n’aurait pas des moyens de déterminer avec certitude l’origine des requérants déboutés et des accords de réadmission avec tous les Etats d’origine.

 

C’est dans ce cadre que la Suisse doit travailler, plutôt que de réduire les prestations d’assistance à l’aide d’urgence, plutôt que d’empêcher les déserteurs de bénéficier de l’asile ou plutôt que de construire des lieux de détention pour les récalcitrants, sinon dans des cabanes militaires à 2300 mètres d’altitude1.

 

Et bien entendu, les millions qu’on consacre aujourd’hui à l’accueil de populations migrantes pour des raisons économiques, qui n’ont pas l’ombre d’une chance de bénéficier du statut de réfugiés, devraient servir à étoffer les effectifs de l’Office des migrations et ceux du TAF, pour que les procédures soient terminées en trois mois, prononcé sur recours compris.

 

Idéalement, il serait souhaitable de dénoncer toute convention internationale qui nous empêcherait d’en revenir à la conception ancienne du droit d’asile. L’accueil de l’étranger ne serait plus un droit subjectif dont il serait le créancier, mais un droit de l’Etat souverain, octroyé à bien plaire et librement.

 

Claude Paschoud

 

 

NOTES:

1 Voir Le Pamphlet n° 414 de juin 2012.

Thèmes associés: Politique fédérale

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