Camarade, choisis ton camp! Mais lequel?

PolluxLe Pamphlet n° 420 Décembre 2012

 

Tout comme dans l’ancienne Union soviétique, l’idéologie régnant aujourd’hui en Europe occidentale ne permet pas toujours de distinguer avec certitude qui sont les bons et qui sont les méchants. La correction politique nous somme en quelque sorte d’opérer une telle distinction; on sait que l’on risque, certes pas la Sibérie, mais tout de même un opprobre assez lourd si l’on brave cette obligation ou si l’on prend un mauvais parti, même par erreur. Or les citoyens les mieux disposés à servir les Forces du Progrès se trouvent parfois méchamment pris au dépourvu lorsque celles-ci se divisent en clans ennemis.

C’est un peu ce que l’on vit avec la guerre, tantôt larvée, tantôt ouverte, que se livrent Israéliens et Palestiniens. Les Israéliens, ce sont les victimes ou les descendants des victimes de la shoah; on ne plaisante pas avec ça et l’on sait assez qu’une simple critique, un simple manque d’empathie, dans ce contexte, peut rapidement être assimilé à une manifestation d’antisémitisme. Pourtant, les Israéliens, en Israël, ce sont les colons, et l’on sait à quel point la colonisation représente le Mal; l’Israélien symbolise alors le vilain Occidental, riche et arrogant, face aux bons sauvages indigènes. Ces derniers ont un droit inaliénable à se défendre contre l’oppression; ils peuvent se permettre non seulement de tirer des salves de roquettes sur tous les kibboutzim qui passent à leur portée, mais aussi d’entretenir une propagande anti-juive qu’aucun Européen n’oserait imaginer même dans ses pensées les plus secrètes.

Le glissement sémantique d’Israélien à juif, qui semble s’opérer naturellement dans tout cerveau coiffé d’un keffieh, se fait parallèlement de Palestinien à musulman dans nos esprits. Si l’Occident se refuse à condamner le terrorisme palestinien, c’est parce qu’il l’identifie plus ou moins inconsciemment aux musulmans qui occupent désormais un certain nombre de grandes villes européennes – et aussi parce que ces derniers eux-mêmes s’identifient de plus en plus fréquemment et explicitement à leurs frères palestiniens. Les musulmans en Europe représentent la diversité, le multiculturalisme, la société plurielle; on n’a pas le droit de critiquer, sous peine d’être taxé – au sens propre comme au figuré – de racisme.

Il n’est pourtant pas certain que la race, ici, soit l’élément discriminant. Les ethnologues et les linguistes nous affirment en effet que juifs et Arabes appartiennent à la même race sémitique. A contrario, notre respect craintif envers les musulmans d’ici et d’ailleurs ne s’étend jamais aux Arabes chrétiens, qui peuvent se faire méthodiquement trucider par des islamistes sur tout le pourtour de la Méditerranée sans que les médias européens n’y trouvent matière à la moindre émotion. Ce n’est manifestement pas en fonction de la race que nous prenons parti, mais de la religion. Et toujours contre la nôtre.

Ce triste constat posé, nous ne sommes pas pour autant au bout de nos peines. Dans l’épouvantable pétaudière qu’est devenu le monde arabe depuis deux ans, les conflits se multiplient et les fronts se modifient chaque semaine sans que nous y comprenions grand-chose. Aujourd’hui, le gentil barbu qui a renversé le président égyptien Moubarak est conspué par une foule de manifestants furieux, que les médias européens ne nous présentent pas comme des mercenaires à la solde du régime déchu – ce refrain si facile! – mais comme des jeunes, des libéraux et des chrétiens craignant que les Frères musulmans n’instaurent autoritairement la charia islamique dans le pays. Et les musulmans qui vivent chez nous, pour qui roulent-ils dans cette affaire? On sent nos journalistes encore bien hésitants, inquiets de ne pas savoir, cette fois, qui sont les bons et qui sont les méchants

Pollux

Thèmes associés: Politique internationale

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