Editorial

Il semblerait, d’après un sondage, que l’initiative pour l’élection du Conseil fédéral par le peuple ait du plomb dans l’aile. On veut croire que les électeurs suisses ont compris que cette prétendue extension de leurs droits démocratiques ne serait qu’un leurre; que le système proposé ne supprimerait pas les magouilles dont on prétend se défaire, vu que, dans les couloirs du Palais fédéral ou ailleurs, elles sont consubstantielles au système démocratique; que les «latins» deviendraient ou redeviendraient,  pour des raisons de pure arithmétique – ils constituent à eux tous à peine plus d’un quart de la population totale, alors que l’élection se ferait sur la base d’un seul arrondissement électoral – les sujets de nouvelles Excellences encore moins bien tolérées que les précédentes, puisque le mécontentement ne se cristalliserait plus sur quelques familles patriciennes mais sur une multitude de «concitoyens» suisses allemands, ainsi d’ailleurs que sur les deux conseillers fédéraux non germanophones à qui seraient consentis, au mépris de toute justice démocratique, deux strapontins immérités avec prière de dire merci et de se taire.

En fait, on connaît la valeur des sondages et, avant le soir du 9 juin, il est inutile de tirer des conclusions. Mais on peut toutefois se demander si le fait que l’initiative lancée par l’UDC peut difficilement se dissocier des camouflets infligés à Christoph Blocher par les Chambres fédérales en 2007 et 2008 – et prend, du coup, des airs de vengeance – ne joue pas un rôle dans l’état actuel de l’opinion.

Quoi qu’il en soit, si le Conseil fédéral a besoin d’une modernisation, ce n’est pas dans son mode d’élection, mais dans son fonctionnement.

Une équipe gouvernementale ne peut agir efficacement que dans la durée et la stabilité. C’est dans la durée et la stabilité qu’un politicien à première vue médiocre peut se révéler bon gouvernant, qu’un projet peut être mené à bien avec cohérence. Par conséquent, la seule vraie et bonne réforme du Conseil fédéral, comme des gouvernements cantonaux d’ailleurs, consisterait à prolonger les mandats et à prohiber les réélections. Ce système ne supprimerait évidemment pas les inconvénients «démocratiques» de la course au pouvoir, mais, débarrassés du souci de plaire une nouvelle fois, les élus pourraient secouer le joug de ceux qui les ont présentés et se consacrer au bien commun, qui ne se confond de loin pas toujours avec les goûts de l’électorat et ceux de la partitocratie.

Hélas! Pour la religion démocratique  et ses prêtres, le mythe de la souveraineté populaire se nourrit d’élections.

 

Le Pamphlet

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