Naissance d’un fanatisme

«Le premier signe de l’ignorance, c’est de présumer que l’on sait.»
Baltasar Gracián



L’intarissable roman-fleuve dont se nourrit la presse, à propos d’une interview à la télévision suédoise sur un aspect du mode de persécution des juifs par les nationaux-socialistes allemands, est révélateur de la très inquiétante perte de repères des sociétés politiques actuelles. Nier ce fait est devenu non plus seulement un délit de droit commun sanctionné par la loi, mais encore la plus intolérable des hérésies publiques, de celles qui pourraient vous conduire au bûcher s’il en existait encore, qui assure votre infamie.

Tout ce qui est excessif cache un mensonge. Non, en effet, les juifs ne furent pas les seules victimes du régime hitlérien. On oublie les Tziganes et tous les individus qui, à un titre ou à un autre, parce qu’ils étaient handicapés notamment, s’étaient vus privés du droit à l’existence; on oublie, à leur propos, le précédent des expérimentations sur des personnes vivantes, condamnés ou malades mentaux, encouragé par les tenants du positivisme scientifique. Non, le nazisme ne fut pas en Allemagne une génération spontanée. Il a des origines remontant fort loin dans la révolution spirituelle de ce peuple, jusqu’à la prétendue Réforme du XVIe siècle. On sait du reste que les poches de résistance les plus fortes à cette idéologie se trouvaient dans la fraction de ce peuple restée fidèle au catholicisme.

L’histoire retiendra sans l’ombre d’un doute que l’orientation antisémite de ce régime ne doit rien au catholicisme et à son antijudaïsme non racial mais strictement religieux, mais à son propre néo-paganisme antichrétien. C’est donc propager une contrevérité monstrueuse et absolument intolérable, intellectuellement et moralement indéfendable et insoutenable, que d’ériger la persécution des juifs par les nazis en nouveau déicide collectif, en faire un véritable blasphème contre l’esprit hégélien de l’histoire, au point de culpabiliser les chrétiens en les intimidant sur le thème du déicide en la personne du Christ.

Si la rigueur historique exige que l’on admette une volonté génocidaire, celle-ci doit être reconnue en pleine et entière égalité de traitement pour tous les génocides de l’histoire, de l’histoire moderne en particulier, c’est-à-dire à commencer par le génocide vendéen de la Convention, crime dont on attend toujours et l’aveu public et le repentir officiel par la République qui se dit héritière de la grande révolution venue de France; on attend le même traitement pour le génocide des Incas et des Aztèques par les conquistadores venus d’Espagne. On attend enfin que les autorités suisses et la presse de ce pays manifestent un zèle équivalent pour sauvegarder la mémoire du génocide arménien par les Turcs ottomans, du génocide des Tziganes par les Allemands, sans même parler de ceux que nous avons connus depuis en Afrique et dont nous savons qu’ils ont été perpétrés au su des organes des Nations Unies, dont nous faisons partie.

On attend aussi – pourquoi pas? – l’élémentaire décence de qualifier de ce nom la libéralisation de l’avortement, qui ne fit pourtant, en France, aucun obstacle à l’accès à l’Académie française de l’une de ses principales instigatrices. Le fait que cette femme est juive explique sans doute l’autocensure de toute la presse à son égard et la lâcheté des classes politiques de chacun de nos Etats.

Alors, Messieurs les censeurs, vous n’avez pas le choix: ou le génocide est matière d’opprobre sans aucune considération raciale, ou l’excès de vos récriminations trahit chez vous une partialité honteuse qui tient plus de la discrimination raciale juive que du sens de la justice et de la vérité.

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