En direct de Sirius

L’infantilisation des peuples

A mesure que nos chevaux-vapeur dévorent le ruban d’une autoroute française quasi vide en ce 9 mai, par les vertus de l’armistice de 1945 combinées à celles de l’Ascension, un panneau grossit dans notre champ de vision avec en lettres lumineuses: «Je ne roule pas sur la voie du milieu.» Pressentant l’interrogation d’Iris, je hasarde qu’il ne s’agit pas là d’une simple indication mais plutôt d’une injonction de portée générale à syntaxe défaillante. Passés quelques mouchards, un nouveau panneau annonce: «Je mets mon clignotant et je dépasse.» Comme, derrière un volant, je n’omets jamais d’indiquer mes intentions, je conclus à la validité de mon hypothèse et, recourant à ce que Vian qualifiait de «politesse du désespoir», j’imagine que la prochaine admonestation sera: «Je ne suce pas mon pouce.»

Ma première rencontre avec de telles injonctions remonte à 1984. Elles égayaient le béton triste d’une autoroute née des pelles enthousiastes des joyeux travailleurs nationaux-socialistes (et de la volonté d’un seul), labourée depuis, avec une belle constance, par les convois militaires des vainqueurs soviétiques et remise en état par les pelles résignées des un peu moins joyeux travailleurs d’Allemagne («démocratique» et «républicaine» aussi, par la volonté des vainqueurs). Le soir même, à Berlin-Est, je pouvais lire dans un manège d’auto-tamponneuses anémiques qu’il était «interdit de heurter les autres véhicules» et que «la manifestation festive se termine[rait] à 22 heures – Bon retour dans vos foyers». Tout s’est beaucoup aggravé depuis. Par la vertu des têtes d’œufs de Bruxelles soucieuses, paraît-il, de la sécurité de tous, mais surtout de la mise au pas des allergiques à la «gouvernance mondiale» sauce barbecue, la province de France, pays jadis si fier de sa primauté, en est réduite à des préoccupations de jardin d’enfants. Le mal présente d’évidents risques de contagion non seulement pour ses sœurs de l’UE mais aussi pour les rares pays du continent encore indépendants. Un slogan me vient donc à l’esprit:

 

«Aidez nos peuples: purgez un technocrate.»

 

La langue tueuse

A Bruxelles, où quelques francophones s’alarment, et même à Paris, où des Immortels réveillés en sursaut s’inquiètent de la disparition de ce pourquoi ils siègent, on découvre le triomphe de l’anglais sur tous les fronts. La langue de Molière se meurt, la langue diplomatique n’est plus. Exclusivement dispensés dans l’idiome de Sam[1] – car il y a belle lurette que l’anglais de Shakespeare n’est plus compris que par de rares lettrés –, des cours sont imposés en Hexagonie postsarkozyenne dans des «pôles (glacés) d’excellence» technologique, qui débitent les «élites» de demain matin comme mon charcutier ses tranches de mortadelle. Confirmant leur profond mépris de la langue d’un peuple qu’ils sont censés servir, de prétentieux ministres en imposent la pratique à leurs hauts fonctionnaires jusque dans leurs rapports internes. Aussi des philologues et des linguistes avertis qualifient-ils l’envahisseur de killer language… en anglais dans le texte. Ils observent que partout dans le monde des langues rares disparaissent parce que le vecteur le plus simple entre l’indigène et le touriste pour servir le Maître qu’ils ne soupçonnent pas passe par la «langue tueuse»… et la mondialisation sa commère. Les deux s’allient pour gommer cultures et traditions afin de mieux réduire les peuples à une bouillie consommatrice. Je parle couramment l’anglais et quelques-uns de ses dérivés coloniaux, mais, francophone de naissance et de culture, je n’ai pas pour autant abandonné l’espoir de parvenir un jour à maîtriser la langue française, à laquelle je dois tant. Sa richesse prévoit un terme pour chaque situation et j’y cherche encore un concept qui n’y trouverait pas son contraire. En l’espèce, le terme qui me semble s’imposer est soumission. Et il est urgent d’exhumer son contraire pour éviter l’asservissement et la perspective de devoir rétablir, dans le sang et les larmes, une indépendance susceptible de nous laisser entrevoir… la liberté.

 

 

Une «découverte» récente (et son très ancien antidote)

L’Express du 20 mars (n° 3220), et quelques autres magazines très en vogue, me confirment la pérennité de ceux qu’on appelait tout simplement autrefois, quel que soit leur perchoir sur les organigrammes, «des petit(e)s chef(fe)s tyranniques», et celle des toujours trop nombreux anciens-chevaliers-plus-très-blancs et des blanches perdrix remaquillées en viragos, tou(te)s requalifié(e)s en autant de sournois monstres domestiques. Voici les deux espèces désormais réunies sous le terme générique de «perver(se)s narcissiques» par tout ce qui commence par psy et s’achève par une note d’honoraires ou une commande de «guides de survie». Est-il encore licite de rappeler aux victimes potentielles de ces petites misères qui font les grandes détresses qu’une méthode de recadrage moins coûteuse existe depuis toujours? Elle tient en un principe universel que tout parent se devrait de transmettre à son enfant aussitôt que possible. En voici la version «tous publics»: où que soit assis quelqu’un, ça n’est jamais que sur son derrière. Ça aide beaucoup à reconsidérer le bipède une fois nu. A l’issue de cette première évaluation, tout un chacun, sans plus d’inhibitions, pourra alors avec profit rhabiller son interlocuteur de la tenue qui lui sied vraiment et en toute sérénité passer aux choses sérieuses.

 

Les vacances approchent: proposition pour un «devoir» de mémoire

Les petits malins qui crient «au gaz!» en salivant vers la Syrie, après avoir crié «aux ADM!» contre l’Irak, et qui couinent invariablement «au mal!» pour engager le sang des autres contre des tas de futures victimes bien réelles sur le chemin de leurs prétentions gagneraient à se remémorer la bien triste fin du petit garçon qui criait «au loup!»

 

Divine petite surprise (Merci MS-WORD 2010 )

Il y a parfois de grandes satisfactions nées de petites occurrences… Je tape le néologisme «pédagomane» tout droit venu de l’excellent Cinq cents mots pour la dissidence (un magnifique outil de désintoxication produit par les résistants de Polémia[2], sur lequel je reviendrai prochainement) et mon ordinesclave me propose en première suggestion de rectification: «pédago âne»…

 

Raideurs, usages et contorsions (des bons côtés de l’âge qui vient)

Souffrant toujours d’une crise de foi, j’ai perdu l’habitude des génuflexions. J’ai aussi la colonne moins souple. Je m’en tiens donc en société à une brève inclinaison de la tête, laissant aux enthousiastes de la pensée unique et du mariage pour tous la pratique «très tendance» d’intéressants salamalecs qui ne manquent pas de se terminer en d’inquiétantes prosternations.

 

Max l’Impertinent

 



 

 

NOTES:

[1] Tout court… parce qu’enfin nous ne sommes ni ses neveux, ni ses sujets!?
[2]ISBN 978-2-9532916-3-6, à commander à Polémia, 60 ter rue Jean-Jacques Rousseau, F-92500 Rueil-Malmaison ou via www.polémia.com.

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