Fiscalité et souveraineté

Si la fiscalité ne prenait pas ,  dans beaucoup d’Etats , un caractère confiscatoire, il n'y aurait pas d’évasion fiscale. De ce point de vue, ce que l’on appelle les «paradis fiscaux» a son utilité, même morale. D'un autre côté, il est fort étonnant que la souveraineté étatique ,  qui partout va s'amenuisant, se rétrécissant au profit d’accords internationaux ou régionaux contraignants, trouve un terrain revendicatif essentiellement en matière fiscale. Les Etats démocratiques d’aujourd’hui semblent trouver leur ultime champ d’exercice dans la pression fiscale. Il est vrai qu’ils sont eux-mêmes mis sous pression en Europe par la Banque centrale européenne, qui contrôle leurs budgets. Autrement dit, ces revendications de souveraineté fiscale ne sont en fait que des manifestations de dépendances étatiques envers un organisme qui, lui, n’a rien d’étatique et n'est pas souverain! Kafka est très présent dans ce chaos simulant l'ordre, la discipline, la cohérence, mais, de fait, favorisant tous leurs contraires ...

Notre personnel politique, au quotient intellectuel généralement limité, dans les sphères supérieures des partis comme des instances de gouvernement, n’imagine même pas pouvoir résister à ce désordre refusant de dire son nom par l’attachement à des principes hautement déclarés et fermement maintenus, principes dont le plus mince avantage n’est certes pas celui de s’imposer à nos adversaires parce qu’incontestables à leurs yeux aussi: l’égalité devant la loi, le refus de l’arbitraire et le respect de l'indépendance étatique quand celle-ci n’est pas liée librement par un engagement sur le terrain litigieux.

Toute atteinte à l’un de ces principes ou, pire, à tous les trois, devrait être clairement dénoncée et entraîner un refus d’entrée en matière catégorique. Or dans le domaine de la fiscalité, plus précisément du secret bancaire, les trois principes en question sont outrageusement violés: on s’attaque au secret bancaire suisse en taisant ceux qui se pratiquent dans le monde anglo-saxon; on isole notre pays parce qu’on veut lui imposer un traitement arbitraire en totale mauvaise foi et on exige de lui des engagements qui ne lieraient pas d’autres Etats pratiquant le même secret bancaire.

Malgré tout, nos autorités continuent à négocier. Appelons un chat un chat et un crime un crime. Elles ne négocient pas le secret bancaire;  elles négocient la souveraineté de notre pays, du pays qu’elles sont censées représenter! Qui donc fera enfin, à leur encontre, application de l’article 267 alinéa 3 du Code pénal (trahison diplomatique), dont la teneur est la suivante: «Celui qui, en sa qualité de représentant de la Confédération, aura personnellement conduit au détriment de celle-ci des négociations avec un gouvernement étranger, sera puni de la réclusion ou de l’emprisonnement pour un à cinq ans»?

J’attends toujours l’homme public assez loyal envers notre pays pour engager ce juste combat.

Michel de Preux

Thèmes associés: Politique fédérale

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