Royaliste et révolutionnaire

Il y a une manière de poser un problème qui implique déjà une réponse inadéquate, car cette réponse implique  à son tour un acquiescement tacite aux principes faux motivant l'opinion opposée censément combattue. C'est ce que fit Bernard Pascaud dans un article publié dans la Lorraine royaliste des mois de mars et avril derniers en page 5 dans un «Billet du président» intitulé «Une bonne nouvelle».

Qu'a donc écrit de si grave le président Pascaud? Que la question du «mariage pour tous» pouvait faire l'objet d'un référendum. Ainsi conçue, l'option royaliste cesse aussitôt d'en être une, quelle que puisse être par ailleurs l'opinion des royalistes, et même des princes français, sur cette question. Au reste, en page 3, le chef de la Maison de France exprime sa conviction privée. Celle-ci n'engage ni un régime ni une forme de pouvoir politique. Car là n'est pas la question à faire émerger en la circonstance. Deux monarchies catholiques, en Espagne et en Belgique, connaissent déjà dans leurs lois cette caricature de  mariage civil. Y ont-elles fait obstruction? Pas le moins du monde!...

Nous touchons ici aux limites de la démocratie d'opinion, couronnée ou non, c'est-à-dire de forme républicaine ou royale, pour verser, dans les deux cas, dans un totalitarisme et dans l'idolâtrie de l'homme ou du pouvoir, car, comme l' écrivait justement Nicolas Berdiaef dans sa Philosophie de l'inégalité, à la lettre huitième intitulée «De la démocratie»: «En tant que notion abstraite et suffisante qui n'est subordonnée à rien de supérieur, la démocratie est une divinisation de l'homme et une négation de la source divine de l'autorité.» Si, en effet, la loi humaine, par le seul fait d'un consentement majoritaire de citoyens ou de leurs représentants, peut s'affranchir du droit naturel et de l'autorité divine, a fortiori de l'autorité divine révélée, tout est perdu et il n'y a de perspective de salut que dans le refus catégorique de soumission  à ce qui ne saurait être appelé loi étatique.

Tel n'est malheureusement pas le langage des princes d'Orléans ni celui de leurs soutiens, en Lorraine en tout cas. Les uns et les autres manifestent contre cette prétendue «réforme»; ils opinent contre elle, mais sans jamais rappeler l'illégitimité radicale et définitive de son contenu censé figurer dans une loi étatique. En tenant ce langage et en pratiquant cette autocensure de la pensée politique chrétienne, ils démontrent implicitement que la monarchie constitutionnelle, en France comme en Espagne et en Belgique, n'offre en réalité aucun rempart au règne de l'arbitraire démocratique et au cynisme politicien, dès lors que ces deux excès peuvent se prévaloir formellement d'une majorité acquise dans l'opinion publique. L'évolution, ou plutôt l'involution des mœurs fera le reste, avec le temps, si ce n'est pas déjà fait.

A moins de suivre un autre exemple, celui des Princes de Liechtenstein, qui disposent d'un droit de veto contre toute loi, votée aussi bien par le Parlement que par le peuple directement. Ainsi, mais ainsi seulement, la situation des royalistes français serait claire: que les princes français, au lieu de manifester ou d'opiner, même publiquement, mais toujours à titre privé et comme privés, ce qui n'engage pas politiquement dans le cadre d'un combat royaliste, prennent position publiquement sur ce droit de veto princier en cas de restauration royale, droit de veto qui serait référé, en raison de leur qualité de princes chrétiens et catholiques, aux condamnations du Syllabus de Pie IX par exemple!

Tant que cela n'est pas dit, ni promis, l'option royale en France n'est qu'une illusion, dont l'Espagne et la Belgique nous démontrent à quel point elle peut sombrer dans la plus amère des désillusions.

Michel de Preux

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