Encore les sports

La responsabilité des organisateurs de la Fête fédérale de gymnastique dans les dégâts provoqués par la tempête est lourde.

 

Malgré cela, le comité d'organisation estime avoir agi correctement lors de la tempête qui s'est abattue jeudi soir sur la région biennoise. Les responsables étaient en contact constant avec les météorologues mais, plaident-ils: «Evacuer 15'000 personnes de plusieurs sites sur la base d'une alerte préventive aurait constitué un énorme défi.» C’est tout ce qu’a réussi à dire vendredi devant la presse Franck Hofer, directeur du comité d'organisation. «Et où aurions-nous évacué les gens?»

 

Il est difficile d’imaginer des réponses plus benêtes à des questions simples et légitimes. Evidemment, ces ânes interrogés par la Télévision ne fournissent à leur impéritie aucune explication, et se réfugient derrière l’enquête en cours.

 

Nos plus anciens lecteurs savent notre peu de considération pour les sports et surtout pour les commentateurs «sportifs». Dans le premier numéro du Pamphlet, il y a quarante-deux ans, notre regretté camarade Pierre Guignard signait déjà un billet d’humeur, sous le titre «Ontologie musculaire», dans lequel il brocardait les articles à prétention philosophique des journalistes de l’époque.

 

Dans l’éditorial du numéro 92 (février 1980), nous plaidions pour la suppression des Jeux olympiques. Et en mai 1985 (après la tragédie du Heysel),  nous écrivions: «On dit partout que la pratique des sports “fait du bien”. Ce n’est pas exclu, bien que ceux qui clament cet axiome le plus fort soient ceux qui ont un intérêt professionnel à le faire croire. Mais la pratique des sports fait du mal et coûte, en prestations d’assurances, en frais médicaux et pharmaceutiques, en absences aux postes de travail, en blessés, en morts, des sommes gigantesques.»

 

En décembre 2006, nous écrivions:

 

Pour une fois que la presse quotidienne nous apporte de bonnes nouvelles, il convient de les saluer: selon 20 minutes et d’autres quotidiens, le sport fait chaque jour 820 blessés.

 

Le sport tue à 135 reprises chaque année et 300'000 personnes finissent à l’hôpital en pratiquant leur discipline (sportive) favorite. Le football fait à lui seul plus de 50'000 éclopés annuels.

 

Lorsque l’on songe à tous les articles de journaux, pondus par des débiles profonds, qui nous recommandent de pratiquer des sports, supposés bons pour la santé, quand on lit les interviews des sportifs de haut niveau, notamment des footballeurs, dont le niveau intellectuel ne dépasse pas celui du plancton marin, quand on observe le comportement sur le terrain de certains de ces voyous, censés représenter un modèle pour la jeunesse, on se réjouit que 820 de ces crétins finissent à l’hôpital chaque jour.

 

Selon le rapport 58 du Bureau de prévention des accidents, les accidents de sport se montent à 318'000 par an, dont 11'099 blessés graves, 764 invalides et 174 tués. Selon ce même rapport, il n’existe pas de données permettant de calculer le montant des dommages matériels pour les accidents dans le sport, mais le coût économique et social en est estimé à 13,131 milliards.

 

* * *

 

L’organisation de la Coupe du monde de football en 2014 et des Jeux olympiques en 2016 coûtera au Brésil la bagatelle de quatorze milliards de dollars (estimation 2013), probablement bien plus. On peut donc comprendre une population dont le revenu moyen s’établit autour de 573 dollars par mois et qui s’inquiète de devoir financer, par l’augmentation du prix des transports publics, des joutes qui lui rapporteront peu directement. S’il s’agissait seulement des grands travaux et des emplois que la construction des stades va générer, les dépenses seraient mieux investies en écoles techniques et en hôpitaux. Si ce sont les retombées touristiques qu’on vise, elles ne compenseront pas les dépenses.

 

Même les anciennes gloires du football brésilien, les Pelé, les Rivaldo, les Romario sont critiques à l’égard de l’exonération d’impôt dont bénéficie la Fifa: «La Fifa monte un cirque, ne dépense pas un centime et emporte le tout.»

 

Il serait raisonnable d’annuler ces grand-messes et de licencier les rédacteurs spécialisés de nos bons quotidiens.

 

Claude Paschoud

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