Lettre ouverte aux va-t-en-guerre de France (et de Navarre)
Chers belliqueux amis,
J'observe votre pingouin qui s'exerce au pas de l'oie avec moins de bonheur qu'en des temps plus nobles ses voisins d'outre-Rhin. J'écoute vos pouët-poètes médiatiques, qui s'échauffent mutuellement et appellent sur le président Assad la «punition» de la – comment disent-ils déjà? – «communauté» des nations. Etranges pères fouettards, auxquels cependant quelques grandes puissances de ce bas monde font singulièrement défaut. Nonobstant cela, votre martial «Flamby» bafouille «sabre de bois!» et entonne la Bernardhenrilévitade sur les paroles du poète de Giraudoux. Il semble toutefois que ça ne marche pas comme sur Déroulède pour faire redémarrer une guerre de Trois comme celle qui vit, en quarante et un, ce qui restait de la France remonter à la castagne et gagner une guerre mondiale avec l'aide des soldats du roi George et des businessmen de Roosevelt; un peu aidés aussi par le sang russe d'un Staline très prodigue en la matière. N'est pas de Gaulle qui veut, hélas. Et dommage que ça grince du côté des Anglais, peu pressés d'y aller «comme en Irak» sur des rumeurs d'ADM. Dommage aussi que le Nobel Obama traîne quelque peu les Nike. Et en plus cette fois-ci, le peuple russe, moins dilué que le vôtre, vous risquez de l'avoir en face de vous, derrière son président; sauf les Pussy-Riots et leurs consœurs Femen. Mais ça ne fait pas beaucoup de divisions.
Bref, souffrez qu'un officier de milice d'une armée pacifique et encore un peu neutre, soucieux de vous éviter la note du gaz, vous rappelle quelques principes de bon sens dont il serait surpris que vos propres soldats ne les connaissent pas:
– Tout militaire, chez nous, au terme de l'instruction ABC (joyeusetés atomiques, bactériologiques ou chimiques) élémentaire qui lui est dispensée à l'école de recrues n'ignore rien des faiblesses inhérentes à ces divers systèmes, en particulier pour l'utilisation hautement aléatoire et malaisée de toxiques de combat, qui présuppose, entre autres, des conditions climatiques et météorologiques bien particulières ainsi qu'une topographie adéquate, sans parler des incertitudes tactiques.
– Tous nos soldats barbus se souviennent avec satisfaction de leur exemption automatique de passage en chambre à gaz pour des raisons évidentes de non-étanchéité du masque. Petit détail qui n'a pas l'air de beaucoup concerner les barbus de Syrie…
Enfin, pour rester dans le bon sens en rejoignant Poutine dans une même logique: pourquoi le président syrien, vainqueur sur le terrain – et instruit comme vous et moi des précédents irakien et libyen en matière de manipulations et de provocations «communautaires» – se mettrait-il en délicatesse avec cette «communauté» qui lui veut tant de mal, en fournissant gracieusement LE casus belli idéal à cette dernière?
Quant aux inévitables «preuves» qui croissent et se multiplient au rythme des tentatives de retournement des opinions publiques, il est temps de rappeler qu'au niveau où en sont nos technologies et notre «art» de la communication, toutes les falsifications matérielles ou iconographiques sont désormais possibles et que les services spéciaux de tous les horizons sont connus pour travailler à la commande avec beaucoup de conscience professionnelle et très peu d'états d'âmes.
Même s'il est vrai qu'un reliquat d'inquiétant romantisme me pousse encore à me demander comment je me comporterais au feu et s'il est évident que, le cas échéant, j'obéirais aux ordres qui me seraient donnés, des années de commandement au service de mes soldats m'ont convaincu des vertus supérieures du reste-en-paix. C'est le premier service que j'aimerais pouvoir garantir à ceux qui dépendraient de moi. Pas vous?
Max l'Impertinent
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