Lucie, Marie, Adeline... à qui le tour?

Les politiques, dans une belle unanimité, déplorent le nouveau drame qui a coûté la vie à une psycho-thérapeute, assassinée par un violeur récidiviste, qu'elle accompagnait, seule, à un stage de réinsertion, mais ils sont tout aussi unanimes pour proclamer que la loi n'est pas en cause, qu'il ne faut pas réagir dans l'émotion et que seuls les critères de dangerosité du prisonnier devront à l'avenir être mieux appréciés.

On nous avait déjà récité ces balivernes la dernière fois, ainsi que l'avant-dernière.

J'observe que les directeurs d'établissements et les dames psychologues qui suivent les détenus accordent plus d'importance – et c'est bien leur rôle et leur mission – aux chances de réinsertion sociale de leurs «clients» qu'à la protection de la sécurité publique.

Même le législateur est atteint du syndrome de la libération anticipée: au temps de mes études, l'article 38 du code pénal  prescrivait déjà une libération anticipée aux deux tiers de la peine. Mais c'était une possibilité: «L'autorité compétente pourra le libérer (…).» Aujourd'hui, l'article 86 du code pénal proclame: «L'autorité compétente libère conditionnellement le détenu (…).» C'est maintenant la règle et si elle refuse, l'autorité compétente devra se prononcer de nouveau chaque année.

Condamné à cinq puis quinze ans de prison pour deux viols, Fabrice A. était donc un criminel endurci. Si on ne veut pas rétablir la peine de mort, il faut s'accommoder d'un risque statistiquement déterminable de récidive de l'activité criminelle. Mais, pour le public, il est très différent que la récidive intervienne après que le criminel a subi la totalité de sa peine ou que le nouveau crime soit commis alors que le délinquant aurait dû être encore à l'ombre, si les psychiatres avaient été plus lucides.

Dans le premier cas, ce sont les juges qui ont eu tort de prononcer une peine plutôt qu'une mesure. Mais les magistrats peuvent se tromper, dans un sens comme dans l'autre. Et il existe des voies de recours à la disposition du procureur général.

Dans le cas d'une libération anticipée, la responsabilité du criminel est partagée avec celle des autorités de libération, à l'évidence constituées d'ânes bâtés. Dans Le Temps de ce samedi, l'éditorialiste tente de nous convaincre que le système des Pâquerettes est excellent, qu'il donne de très bons résultats: «Ceux qui œuvrent au jour le jour aux côtés de ces criminels endurcis, convaincus que le meilleur moyen de protéger la société est de bien préparer leur sortie, savent qu'on ne peut sacrifier tous les objectifs futurs à la seule sécurité immédiate.»

Il y a des gens qui pensent, au contraire, que le meilleur moyen de protéger la société des criminels endurcis est de les exécuter, ou de les castrer, ou de les maintenir en prison jusqu'au dernier jour de leur peine. La réinsertion sociale doit rester un objectif très secondaire: pas d'appartement de quatre pièces et demie, de cours de boxe thaïe ou d'équitation aux frais du contribuable. Les chômeurs honnêtes n'en demandent pas tant!

C.P.

Thèmes associés: Coups de griffe - Justice - Société

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