Total désarroi (II)

Comment voulez-vous qu' une société politique défende sérieusement sa souveraineté si, dans l'exercice de celle-ci, elle ne tranche pas clairement dans son propre droit entre la vie et la mort; si elle admet le suicide individuel comme un droit subjectif, le crime d'avortement comme un acte médical licite et, dans certaines limites de temps, soumis à la seule convenance de la mère; si l'institution familiale est vidée de son sens, placée sur le même plan que l'union libre ou, pire, les unions de même sexe, qui ont, elles, la particularité de porter le trouble et le mensonge légal sur l'origine réelle de l'enfant, que l'on éduque ensuite par la tromperie en lui inculquant l'idée qu'il peut avoir pour parents deux pères ou deux mères aussi bien que deux personnes de sexes différents? Sans oublier que ce· procédé implique l'exploitation d'une tierce personne, instrumentalisée à des fins notoirement immorales. Que devient l'histoire des familles, qui fait celle des nations, quand on supprime la notion même de patronyme et qu'on abandonne la transmission du nom au choix arbitraire des conjoints?

Une société qui joue ainsi en permanence avec le sens des mots est-elle encore une société civilisée? Mérite-t-elle qu'on lui confie des écoles publiques? Ne met-elle pas en danger également le sérieux des universités? Une telle société a-t-elle encore un vouloir­ vivre commun, un minimum d'accord et de communion en des valeurs sociales fondamentales? Certainement pas! Cette société est déjà en totale déliquescence , elle se décompose sous nos yeux. Jusque dans sa vie interne, elle rejoint l'athéisme des institutions internationales. Sa souveraineté n'a plus de sens car les mêmes démons la possèdent et la rongent, qui vicient les instances internationales. Les peuples le sentent bien, mais ils sont gravement désarmés par leur propre classe politique. En Suisse, ce qui freine notre propre classe politique est la démocratie directe. Ce remède, tout partiel qu'il est, constitue encore une menace contre le nivellement qui s'opère à l'échelon supranational avec une férocité sans précédent ni répit.

Mais il faut avoir le courage de voir les choses en face: le remède à la dégénérescence de l'ordre politique en Occident ne se trouve ni dans la science politique, polluée par l'idéologie dominante, ni dans une morale autonome et laïcisée, l'éthique dont se gargarisent des philosophes un peu philistins. Le remède décisif se trouve dans la religion, et celle-ci n'a de sérieux que si elle est dogmatique tout en établissant rationnellement son droit à l'être et à le rester. En effet, toute religion qui reconnaît la légitimité de religions concurrentes n'est elle-même pas digne de crédit. Donc, en affirmant que ce critère, à lui seul, et, encore une fois, s'il est rationnellement fondé, établit la fausseté de celles qui ne revendiquent pas d'infaillibilité, on ne s'écarte pas de la vérité.

C'est pourquoi je terminerai ces propos par quelques propositions condamnées par l'Eglise catholique dans un recueil des principales erreurs de notre temps, le Syllabus du Pape Pie IX, qui remonte à l’année 1864. Une religion qui ose proférer de telles condamnations démontre à tous, par cette audace même dans son affrontement à l’esprit moderne, qu'elle place la vérité religieuse et morale suffisamment haut, en Dieu, pour être à tout le moins prise au sérieux par tout le genre humain.

1. Panthéisme, naturalisme et rationalisme absolu:

La raison humaine, considérée sans aucun rapport à Dieu, est l' unique arbitre du vrai et du faux, du bien et du mal; elle est à elle-même sa loi, elle suffit par ses forces naturelles pour procurer le  bien  des  hommes et des peuples. (Proposition    no III, condamnée).

2. Rationalisme modéré:

La philosophie ne peut ni ne doit se soumettre à aucune autorité. (Proposition no X in fine, condamnée).

3. Indifférentisme, latitudinarisme:   

Il est libre à chaque homme d'embrasser et de professer la religion qu'il aura réputée vraie d'après la lumière de la raison. (Proposition no XV, condamnée).

4. Erreurs relatives à la société civile:

L’Etat, comme étant l'origine et la source de tous les droits, jouit d'un droit qui n'est circonscrit par aucune limite. (Proposition no XXXIX, condamnée).

En cas de conflit légal entre les deux pouvoirs (civil et religieux), le droit civil prévaut. (Proposition no XLII, condamnée).

Des catholiques peuvent approuver un système d'éducation en dehors de la foi catholique et de l'autorité de l'Eglise, et qui n'ait pour but que la connaissance des choses purement naturelles et la vie sociale sur cette terre. (Proposition no XLVIII, condamnée).

5. Erreurs concernant la morale naturelle  et chrétienne:

Les lois de la morale n'ont pas besoin de la sanction divine et il n'est pas du tout nécessaire que les lois humaines se conforment au droit naturel ou reçoivent de Dieu le pouvoir d'obliger. (Proposition no LVI, condamnée).

La science des choses philosophiques et morales, de même que les lois civiles, peuvent et doivent être soustraites à l'autorité divine et ecclésiastique. (Proposition  no LXVII, condamnée) .

Michel de Preux

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