Surpopulation carcérale: un faux dilemme

Le Tribunal fédéral a jugé récemment que deux détenus de la prison de Champ-Dollon y étaient traités de façon non conforme à la dignité humaine.

M. Pierre Maudet, conseiller d’Etat responsable de la sécurité, a minimisé cet arrêt sur les ondes de la radio, en rappelant que, lors du dépôt de la plainte, il y avait de nombreux prisonniers qui devaient dormir sur des matelas posés à même le sol, situation en voie de résorption.

Il a ensuite ironisé sur les 13 cm2 qui manquaient au confort de chaque prisonnier.

En bref, il aimerait bien faire quelque chose, mais, sauf à libérer des prisonniers et créer l’insécurité à l’extérieur de la prison, il ne voit guère de possibilités autres que d’incarcérer ceux que la justice condamne à la détention, avec les moyens qu’il a, quitte à créer, il en est conscient, une certaine tension à l’intérieur de la prison, source d’insécurité pour les prisonniers et pour le personnel carcéral.

En somme, insécurité pour insécurité, autant que les détenus se cassent la g… entre eux plutôt que de s’en prendre à la population!

Rappelons les données du problème: la prison de Champ-Dollon a une capacité d’accueil de trois cent septante-six prisonniers. Aujourd’hui, il y en a huit cent cinquante dont cinq cents en exécution de peine. Le taux d’occupation est donc de 226 %; le rêve des hôteliers qui, eux, ont au moins le droit de refuser du monde.

Une simple soustraction permet de constater que trois cent cinquante détenus sont en détention provisoire, dans l’attente d’un procès, parmi lesquels plusieurs sont peut-être complètement innocents. D’autres sont coupables de délits de circulation routière (vitesse excessive, ivresse au volant) réprimés par l’imbécile programme fédéral «Via sicura», qui prévoit des peines plus sévères pour les gens pressés sur la route que pour les violeurs ou les meurtriers. En ce qui concerne ces chauffards, on s’arrangera, au moment du jugement, pour prononcer une peine privative de liberté qui corresponde exactement à la durée de la détention provisoire, afin d’éviter le versement d’indemnités au condamné.

Pour notre Haute Cour, un prisonnier doit avoir vécu au moins trois mois dans moins de 4 m2, confiné dans sa cellule vingt-trois heures sur sur vingt-quatre, pour avoir le droit de se plaindre.

M. Maudet en prend acte, mais il ne propose rien qu’un appel aux autres cantons: un canton suisse allemand a proposé deux places et le canton de Vaud deux places aussi. On est loin du compte.

Il existe pourtant une solution toute simple. Les autorités zuricoises nous montrent la voie, avec leur fameux Carlos, l’amateur de boxe thaïe qui coûtait au contribuable vingt-neuf mille francs par mois et qui ne coûte aujourd’hui «que» dix-neuf mille francs, car il suit un programme de réinsertion dans un hôtel wellness de Hollande.

J’invite les autorités genevoises à faire une offre de rachat de la prison, actuellement désaffectée, de Pontaniou, en Bretagne (département du Finistère). Cette prison est en bon état, mais mérite des travaux d’entretien. Les artisans locaux seront ravis d’y participer. Le propriétaire est Brest, métropole océane, soit un groupement de communes locales.

A mon avis, un délai de trois  à quatre mois de travaux serait suffisant pour réhabiliter les lieux et former sur le tas le personnel d’encadrement nécessaire à la réouverture. Les frais d’exploitation, pour l’Etat de Genève, ne devraient pas excéder trente millions par an, y compris un amortissement raisonnable de l’investissement initial (rachat du bâtiment et réhabilitation).

On peut d’ailleurs faire encore à meilleur marché: sans acheter aucune prison, ni celle de Pontaniou ni celles de Perrache à Lyon (Saint-Paul et Saint-Joseph) qui sont aussi disponibles, on peut proposer à certains Etats d’Europe de l’Est de prendre nos prisonniers les plus encombrants en pension dans leurs prisons, moyennant un prix dix fois moindre que la pension actuelle de Carlos, mais qui serait un pactole pour certains gouverneurs de prisons en Sibérie, en Ukraine ou dans la péninsule du Kamchatka.

Il est probable qu’après le génocide des populations cambodgiennes par les Khmers rouges, il reste là-bas quelques camps fortifiés parfaitement aptes à recueillir, moyennant quelques riels ou sur la base d’un forfait exprimé en dollars, les petits gangsters de la racaille lyonnaise ou les trafiquants albanais responsables de la surpopulation carcérale à Genève.

Plutôt que de financer grassement les fils à papa pour qu’ils puissent se payer du bon temps dans les universités étrangères, offrons des subventions à nos prisonniers pour qu’ils puissent aller se faire dorloter ailleurs!

Claude Paschoud

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