Mauvaise foi

Il y aurait beaucoup à dire sur l'arrêté fédéral concernant les soins médicaux de base, sur lequel nous voterons le 18 mai. Et pourtant, curieusement, on en parle fort peu, alors que les débats sur le fonds d'acquisition du Gripen et l'introduction du salaire minimum font rage, et que l'initiative «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec des enfants» est largement discutée.

Ce relatif silence est probablement dû au fait que tout le monde est d'accord sur la nécessité de fournir à chacun, partout et rapidement, les soins médicaux dont il a besoin; sur le fait que les médecins généralistes doivent pouvoir, où qu'ils exercent, gagner leur vie correctement; sur le constat que le vieillissement de la population entraîne des besoins supplémentaires dans le domaine des soins de toutes sortes et que la collaboration entre les fournisseurs de ces soins – déjà largement pratiquée si j'en crois mon expérience personnelle – mérite d'être favorisée.

Mais faut-il pour cela modifier la Constitution fédérale? Pour quoi faire, si, comme le prétend la brochure explicative envoyée aux citoyens suisses avec leur documentation de vote, «la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons restera pour l'essentiel inchangée»?

Ah! ce «pour l'essentiel»! Qu'il est beau! Qu'il est habile! Qu'il est lénifiant! Qu'il est malhonnête!

Car, précisément, pour l'essentiel, la répartition des compétences sera profondément modifiée. Les cantons seront chargés des «mesures concrètes», des mesures d'application. En d'autres termes, ils assumeront des tâches d'exécutants.

Quant à la Confédération, elle se verra attribuer par l'article 117a (nouveau) la compétence de légiférer «sur la formation de base et la formation spécialisée dans le domaine des professions des soins médicaux de base et sur les conditions d'exercice de ces professions», ainsi que «sur la rémunération appropriée des prestations de la médecine de famille». La Confédération pourra donc se livrer à son exercice favori, qui consiste à harmoniser, c'est-à-dire à centraliser et à uniformiser, avec hélas, dans le cas qui nous occupe, le soutien de la Conférence suisse des directrices et directeurs cantonaux de la santé – laquelle ne voit pas plus loin que le bout de son nez et raisonne, tout comme Berne, exclusivement en termes de simplification et de rationalisation, au mépris de la souveraineté cantonale et du principe de subsidiarité.

L'Ecole fédérale des professions de la santé, c'est pour demain. En attendant, les universités et autres fournisseurs de formation en matière de soins – ceux qui instruisent le personnel soignant, les physiothérapeutes, les ergothérapeutes, les diététiciens, par exemple – se verront imposer des prescriptions de base… On sait ce que cela signifie: matières imposées, programmes unifiés, examens uniformisés.

Quant aux médecins de famille rémunérés de façon appropriée – on ne saurait être moins précis – ils ne tarderont pas à devenir des employés soumis à des barèmes forcément arbitraires. On s'étonnera ensuite de la raréfaction des «vocations».

On ne pouvait guère s'attendre à ce que l'arrêté fédéral concernant les soins médicaux de base, contre-projet direct à l'initiative populaire fédérale par définition centralisatrice «Oui à la médecine de famille», soit un modèle de respect du  fédéralisme – il a d'ailleurs à ce point satisfait les initiants que ceux-ci ont retiré leur texte, c'est tout dire. Mais il est inadmissible que le Conseil fédéral et les membres de l'Assemblée fédérale prétendent et tentent de nous faire croire qu'ils sont opposés à «une centralisation [qui] serait contraire à l'esprit du fédéralisme suisse», au motif qu'«il appartiendra aux cantons et aux communes de garantir la fourniture des soins médicaux de base», c'est-à-dire, encore une fois, d'exécuter les décisions venues de Berne.

Il faut se rendre à l'évidence: nous sommes dirigés par des menteurs!

Mariette Paschoud

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