La politique du pire

Le Conseil fédéral a choisi la ligne «dure» en matière d’immigration, afin, dit-il, de se conformer à la volonté populaire exprimée le 9 février: rétablissement des contingents et probable impossibilité de maintenir les accords bilatéraux. A l’évidence, le gouvernement est convaincu que l’Union européenne refusera de négocier, que la situation ainsi créée sera catastrophique et que le peuple réclamera d’urgence une nouvelle votation pour annuler les effets de la précédente.

C’est aussi le cas des principaux partis gouvernementaux, PS, PLR et PDC, qui comptent sur l’intransigeance de l’UE pour nous imposer une nouvelle votation.

Il existe pourtant deux autres solutions.

L’une d’entre elles consiste à fixer des contingents fantômes comme dans le domaine de l’asile. Vous ignorez ce qu’est un contingent fantôme pour les réfugiés? Cela consiste à établir des quotas pour les réfugiés admis, alors qu’en vertu du droit international on ne refusera pas l’asile à une personne qui y a droit, même si le quota est atteint.

Sur ce modèle, on pourrait fixer des contingents fantômes pour toutes les catégories d’étrangers et ne refuser aucune autorisaton à un employeur qui ferait la démonstration de son besoin, en vertu du principe de l’égalité de traitement, même si le quota est atteint.

De même, en vertu des dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme sur le droit à la vie de famille, on ne refusera pas le regroupement familial aux vieux parents d’un travailleur immigré, à son épouse, à ses enfants, ses oncles, tantes et cousins, même si ceux-ci vont probablement s’inscrire à l’aide sociale. Dans ce cas, c’est encore plus simple. Le Conseil fédéral n’utilisera pas de contingents fantômes, il n’y aura pas de contingents du tout.

La deuxième solution consisterait à dénoncer l’Accord sur la libre circulation et les accords connexes atteints par la fameuse clause guillotine, de n’accorder des autorisations qu’en cas de besoin démontré, de rétablir la préférence locale (qui comprend tous les étrangers déjà titulaires d’un permis) et de cesser de croire naïvement que le développement passe nécessairement par une augmentation du nombre des habitants.

Cette hypothèse, bien entendu, implique de nouvelles négociations avec les membres de l’Union européenne, mais ces derniers (et notamment les Etats limitrophes) ont un intérêt évident à ne pas fermer la porte à toute discussion, la Suisse étant un important employeur pour nombre de Français, d’Allemands et d’Italiens, ainsi qu’un client important.

Mais si le Conseil fédéral veut jouer la politique du pire en spéculant sur l’impossibilité d’engager de nouvelles négociations en vue de nouveaux accords, aux fins d’imposer au peuple une nouvelle votation pour annuler la précédente, il s’engagera sur une voie à la fois peu démocratique et dangereuse.

Claude Paschoud

Thèmes associés: Politique fédérale

Cet article a été vu 2955 fois

Recherche des articles

:

Recherche des éditions