Editorial

Nous voterons le 30 novembre sur trois initiatives populaires: «Halte aux privilèges fiscaux des millionnaires», «Halte à la surpopulation» et «Sauvez l'or de la Suisse».

Lancée par la gauche, championne de l'égalitarisme, la première prévoit la suppression de l'impôt forfaitaire, ou impôt selon la dépense, réservé aux étrangers sans activité lucrative résidant en Suisse, c'est-à-dire, le plus souvent à des étrangers fortunés, tels Johnny Halliday ou Michael Schumacher. Il est évidemment scandaleux que ces vilains riches, qui, c'est notoire, ne dépensent presque rien, vivent dans des taudis et roulent à vélo Solex, ne paient pas plus d'impôts, selon les initiants, que certains contribuables suisses plus modestes.

Curieusement, lesdits initiants trouvent normal qu'un certain nombre de citoyens qui émargent à l'aide sociale ne paient pas d'impôts alors qu'ils arrondissent leurs fins de mois en accomplissant des «petits boulots» qu'ils se gardent bien de déclarer.

Par ailleurs, le système du forfait fiscal ayant été introduit au début du XXe et même en 1862 pour ce qui est du canton de Vaud, on s'étonne qu'il ait fallu plus d'un siècle aux défenseurs des plus démunis pour songer à lancer une initiative contre cette abominable pratique.

Mais là n'est pas la question. Ce qui ne va pas dans cette initiative, c'est que, une fois de plus, elle s'en prend à une compétence cantonale. En effet, sous réserve de l'impôt fédéral direct, qui aurait dû disparaître depuis longtemps, tous les impôts directs sont prélevés par les cantons – ou les communes sur la base du droit cantonal. On ne voit pas pourquoi les pratiques fiscales devraient être identiques sur tout le territoire de la Confédération. Quant à nous, nous ne verrions aucun inconvénient à ce qu'il y ait vingt-six manières de prélever les impôts dans notre beau pays.

En ce qui concerne l'initiative «Halte à la surpopulation» – Ecopop pour les intimes –, si nous sommes d'accord sur la nécessité de limiter l'immigration, nous ne croyons pas qu'il soit opportun de fixer des pourcentages contraignants. De plus, nous frémissons à l'idée que dix pour cent au moins «des moyens que la Confédération consacre à la coopération internationale au développement» devraient être affectés «au financement de mesures visant à encourager la planification familiale volontaire», c'est-à-dire à limiter les naissances par le recours aux moyens contraceptifs, mais surtout, en cas d'échec d'iceux, à l'avortement. On ne lutte pas contre la surpopulation en tuant des enfants à naître.

Pour ce qui est de l'initiative «Sauvez l'or de la Suisse» ou initiative sur l'or de la Banque nationale, qui prévoit le rapatriement des 30% d'or suisse stockés au Canada (10%) et en Angleterre (20%), exigeant en outre que la part d'actifs en or de la BNS ne soit pas inférieure à 20%, elle est trop technique pour que l'auteur de ces lignes se risque à émettre un avis sur le texte. Tout ce que nous pouvons dire est que, sous réserve d'une affaire de délit d'initié qui avait conduit, en 2012, à la démission du directeur de la BNS Philipp Hildebrand, nous n'avons jamais entendu dire que la Banque nationale, dont le rôle est clairement défini par l'article 99 de la Constitution helvétique, ne fait pas correctement son travail. Nous ne voyons donc aucune raison de ne pas faire confiance à ses dirigeants et de leur imposer des normes incompatibles avec la souplesse que requiert la politique monétaire, dont elle est responsable.

Mais justement, beaucoup de Suisses ne font plus confiance à leurs autorités, que ce soit dans le domaine politique ou économique. Ils sont las des tergiversations, des génuflexions devant les Etats-Unis et l'Union européenne, des reculades politiques sous prétexte d'avantages économiques. De plus, certaines banques ont commis beaucoup d'abus ces dernières années et les établissements bancaires qui n'ont rien à se reprocher en sont éclaboussés.

Il est regrettable que des partis et mouvements, en général plus soucieux de leur intérêt idéologique ou électoral que du bien commun, profitent de cette méfiance pour tenter d'inscrire dans la Constitution, par le biais d'initiatives populaires souvent démagogiques, des normes rigides qui n'ont pas leur place dans une «charte fondamentale».

Le Pamphlet

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