Une nouvelle réforme funeste

DEVA, ou développement de l’armée, est la dernière manifestation de la réformite qui affecte l’armée suisse. Le projet prévoit notamment un effectif de 100'000 militaires – dont 20'000 affectés à la défense du territoire proprement dite.

Bien entendu, cette nouvelle réforme, en dépit de quelques aspect positifs, notamment en ce qui concerne la formation des cadres, soulève des oppositions.

Les partisans du nouveau chamboulement, en particulier certains politiciens, considèrent les «anti-DEVA» comme de «vieux traîneurs de sabres» nostalgiques de l’«armée de grand-papa» ou des «conservateurs nationalistes», façon commode et désormais traditionnelle d’éviter la discussion. Pourtant, il y a des choses à dire.

La politique de sécurité de la Suisse, qui date de 2010, ne semble pas affectée par ce qui se passe à quelque 1500 km de chez nous. Aucune expertise militaire objective n’a été demandée. C’eût été une démarche correcte et il eût fallu publier un nouveau rapport sur la politique de sécurité de la Suisse. On a simplement considéré les finances: «On vous donne ce crédit, débrouillez-vous avec et ne venez pas nous ennuyer avec vos demandes de Gripen et de grande armée.»

Il faut relever aussi que, même dans une entreprise, faire quatre réformes en vingt ans1 est suicidaire. A plus forte raison dans une institution comme l’armée. Quand on pense qu’aujourd'hui celle-ci ne dispose pas d’une doctrine d’engagement!

On a détruit sans hésitation des centaines de millions de francs de chars M113 dernière version, des M109 Kwest, des équipements; on a donné des véhicules neufs à l’étranger, dispersé du matériel, démoralisé des collaborateurs, admis des cours de répétition avec des dotations déficientes, vidé les stocks de munitions sans prévoir le réapprovisionnement. C’est facile maintenant de dire «on veut faire mieux».

Parlons des 100’000 hommes du projet.

Est-on bien certain qu’avec 20’000 hommes «super équipés» – ce qu’ils ne sont pas aujourd’hui – on puisse défendre le territoire suisse? Car c’est bien cela que fixe la Constitution fédérale. Deux brigades blindées… enfin non, mécanisées!… ça fait environ 10 kilomètres de front, en tout 20 km.

100’000 hommes moins 20’000, restent 80’000 répartis entre l’aviation, le génie, les transmissions et l’infanterie, dont on nous dit que la mission première ne sera pas la défense mais l’aide aux autorités cantonales!

Pour fonctionner, notre pays a besoin de centrales électriques, de centres de distribution de l’énergie (eau, gaz, pétrole, etc.); il lui faut un réseau ferré qui fonctionne, des routes, des infrastructures de gouvernement, de gestion des déchets. Au total, nous savons qu’il y a, à peu près, crent objets d’importance nationale et près de six cents d’importance régionale. Comment peut-on, honnêtement, prétendre qu’en situation d’infra-guerre (une crise grave) l’armée suisse pourrait assurer la protection de ces points importants? C’est impossible! Alors, en cas de guerre…
Le fait que les effectifs des armées de nos voisins sont comparables n’est pas un argument pertinent: ce sont des professionnels, pas des miliciens. Le temps d’engagement de ces gens n’est pas, lui, comparable! En plus, la Suisse se traverse en quelques heures de voiture, en quelques minutes de jet. Ce n’est pas le cas des pays qui nous entourent.

Fallait-il lancer une nouvelle réforme? Non. Mettre de l’ordre dans le bazar actuel, oui, certainement! Licencier des chefs incapables ou qui ne font que se promener en manches de chemises, oui certainement!

Il n’est pas admissible que les ventes des biens immobiliers, ces abandons de places d’exercice, se fassent, comme cela se passe actuellement, sans attendre que le projet soit voté. C’est une façon arbitraire de forcer la décision en faveur du DEVA.

Le projet DEVA n’est pas acceptable. Une remise en ordre de ce qui ne va pas peut se faire sans cela, à condition qu’on y consacre des crédits suffisants. L’effectif de 220'000 hommes admis par le peuple est une limite au-dessous de laquelle il ne faut pas descendre! C’est le prix minimum de notre sécurité!

François Villard

NOTES:

1 Armée 95, Armée XXI, Etape de développement 08/11, DEVA.

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