Il faut sortir de l'ONU

Monsieur Khalaf al-Dulaimi est un homme d'affaires irakien dont les comptes bancaires en Suisse ont été confisqués par la Confédération sur ordre de l'ONU, qui le soupçonne d'avoir été le financier de Saddam Hussein.

M. Khalaf al-Dulaimi n'a pas été interrogé par un magistrat et l'administration ne lui a pas offert le droit élémentaire d'être entendu avant que ses comptes ne soient confisqués.

Il s'est retrouvé sur les listes des personnes ciblées par l'ordonnance du Conseil fédéral instituant des mesures économiques envers la République d'Irak (RS 946.206) pour la seule raison qu'il était dans le collimateur de l'ONU, qui le soupçonne de détenir cent millions de fonds secrets du clan Hussein.

Sanctions program: Irak: Ordonnance du 7 août 1990 instituant des mesures économiques envers la République d'Irak (RS 946.206), annexe Origin: UN Sanctions: art. 2, al. 2 (sanctions financières)
Individuals
SSID: 70-1693 Name: Khalaf M. M. Al-Dulaymi
DOB: 25 Jan 1932 Good quality a.k.a.: Khalaf Al Dulaimi Identification document: Passport No. H0044232, Iraq
Justification: See entity with SSID 70-2980 under the list of entities Relation: See Aviatrans Anstalt (SSID 70-2980)

On peut lire sur le site officiel du SECO:

En date du 18.05.2004, le Conseil fédéral a adopté une ordonnance ayant pour objet la confiscation des avoirs et ressources économiques irakiens gelés et leur transfert au Fonds de développement pour l'Irak.
 

Cette ordonnance, fondée sur l'art. 184 al. 3 de la Constitution fédérale, crée la base légale permettant la mise en œuvre intégrale de la Résolution 1483 du Conseil de sécurité des Nations Unies. Il appartiendra au DFE de décider la confiscation des avoirs et ressources économiques et de la mettre en œuvre. Les décisions de confiscation pourront être contestées devant le Tribunal fédéral par un recours de droit administratif. Les personnes et entités touchées auront ainsi la possibilité de contester la confiscation devant une autorité judiciaire. En prévoyant une telle voie de recours, la Suisse met en œuvre les obligations issues de la Charte des Nations Unies en respectant les droits fondamentaux et les droits de l'homme garantis par la Constitution fédérale et les instruments européens et internationaux pertinents.1

On reconnaît bien l'arrogance et la suffisance de l'administration fédérale pour qui il n'existe aucune contradiction entre les sanctions décrétées par l'ONU et la neutralité de la Suisse:

La participation de la Suisse à des mesures non militaires est conforme aux principes de la politique de neutralité présentés dans le rapport du Conseil fédéral sur la neutralité du 29.11.1993 et elle a fait la preuve de son efficacité. Le droit de la neutralité ne voit en principe aucune incompatibilité entre neutralité et participation à des sanctions économiques. Participer à des sanctions largement approuvées sur le plan international sert les intérêts de la politique extérieure de la Suisse, axée sur le respect du droit international public et des valeurs humanitaires. Le Conseil fédéral tient compte d'autres éléments, avant de décider des sanctions, à savoir la solidarité avec la communauté internationale et la nécessité de s'opposer aux violations du droit.

Quant au respect des droits fondamentaux et des droits de l'homme, il n'est pas certain qu'il soit pratiqué et c'est pourquoi M. Khalaf al-Dulaimi a adressé une plainte à la Cour européenne des droits de l'homme, dans un procès qui a débuté hier.

Mais le procureur général de Grande-Bretagne, qui s'était déplacé en personne pour l'ouverture de l'audience, et le représentant de la Confédération sont confiants: la Suisse ne pourra pas être condamnée, même si les droits élémentaires du plaignant ont été grossièrement bafoués. Et pourquoi? Parce qu'en vertu de l'art. 103 de la Charte des Nations Unies, en cas de conflit entre les obligations des Membres des Nations Unies en vertu de la présente Charte et leurs obligations en vertu de tout autre accord international, les premières prévaudront.

Certains milieux qui militent afin que les Suisses ne subissent pas les prononcés de juges étrangers se trompent d'ennemi.

D'abord, parce que la Cour européenne des droits de l'homme, visée par ces critiques, ne comprend pas uniquement des juges étrangers. Il y a quarante-sept juges, autant que de pays signataires, et Mme Helen Keller est la juge suisse.

Ensuite, la Cour est un vrai tribunal où les plaignants peuvent s'exprimer, aussi bien que l'Etat dont ils se plaignent.

Enfin, les principes et les droits proclamés par la Convention européenne sont justes et ils sont pratiquement tous intégrés dans notre Constitution.

La Suisse ne devrait donc pas dénoncer la Convention européenne des droits de l'homme, pour affirmer la prééminence de notre droit sur le droit étranger, mais elle devrait d'urgence sortir de l'ONU, dont la gouvernance est opaque et dont les interventions, depuis sa fondation jusqu'à aujourd'hui, n'ont nullement eu pour effet de préserver la paix, mais au contraire de faire s'éterniser les conflits.

Claude Paschoud

 

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Thèmes associés: Politique fédérale

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