Nation et indépendance, le catalanisme en question (I)

Je dois tout d'abord confesser que, malgré ma volonté de rester objectif, je ne peux absolument garantir que le contenu du présent article soit totalement dénué de parti pris en faveur des nationalistes catalans. Résidant moi-même sur la Costa Brava, je vis les événements de l'intérieur dans une région où l'indépendantisme est très fort. Il n'est pas dans mes intentions d'entrer dans le débat de savoir qui a historiquement raison entre les Espagnols et les Catalans, mais plutôt de donner à voir la façon dont les Catalans ressentent leur situation.

On voit passer dans la presse helvétique, périodiquement, un article traitant brièvement de tel ou tel événement ayant trait à la question catalane, comme par exemple les diverses manifestations qui se sont déroulées lors des dernières «diades» [1] et qui ont vu se rassembler des centaines de milliers de Catalans dans une ambiance pacifique et bon enfant pour réclamer le droit de se prononcer dans les urnes sur leur avenir, et plus récemment la consultation du 9 novembre dernier sur la forme que devraient revêtir à l'avenir les relations de la Catalogne avec l'Espagne.

De l'extérieur, le mouvement indépendantiste catalan peut sembler le fait d'une bande de guignols aux idées saugrenues qui cherchent surtout à obtenir des avantages financiers dans l'opération. La réalité est tout autre.

Pour bien comprendre ce qui se passe en Catalogne, il faut aborder le problème sous deux angles: tout d'abord celui de l'identité catalane en elle-même, puis celui de la relation de la Catalogne avec l'Espagne et le reste du monde.

Pour beaucoup, la Catalogne est au même titre que l'Andalousie une région d'Espagne, ce qui est vrai aujourd'hui du point de vue géographique. Mais se limiter à cela, c'est méconnaître la réalité historique, sociale, identitaire et linguistique d'un pays qui existe depuis plus de mille ans et qui s'est affirmé à travers les âges, les guerres et les différentes formes de gouvernement. Les Catalans sont unis par leur langue, leur histoire et leur culture, qui leur donnent une identité forte. Si l'on ajoute à cela que la Catalogne possède un gouvernement propre, un parlement, une police et des lois, on peut affirmer qu'il s'agit d'une nation à part entière.

Lors de la guerre de succession d'Espagne, la Catalogne  fut conquise par les Bourbons, qui lui retirèrent en 1714 les privilèges qui en faisaient un Etat quasi indépendant au sein de l'empire des Habsbourg. Pour beaucoup d'indépendantistes, 2014 représente le tricentenaire du passage de la Catalogne sous le joug centralisateur espagnol.

Au XIXème siècle, dépourvue de matières premières, la Catalogne marque sa différence en développant une industrie dynamique, qui en fera une des régions les plus prospères d'Espagne. Aujourd'hui encore et malgré la situation générale de la péninsule ibérique, la Catalogne s'en sort globalement mieux que les autres régions autonomes et reste un des principaux contributeurs à la caisse commune.

Ces quelques explications rapides ont pour but de donner au lecteur de ces lignes une idée globale sur les racines de l'indépendantisme catalan. Nous verrons le mois prochain ce qui l'a amené à se développer rapidement ces dernières années pour passer d'une revendication relativement marginale à un mouvement de masse qui pourrait rassembler, selon certains sondages, plus de la moitié de la population résidant sur son territoire.

Michel Paschoud

 

[1] la «diada» est la fête nationale catalane et se déroule chaque année le 11 septembre. Ce choix est curieux car il s'agit de la commémoration de la capitulation de Barcelone en 1714 lors de la guerre de succession d'Espagne.

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