Vous l'avez voulu

Le clergé médiatico-politique aime célébrer les anniversaires des grands désastres: explosion de Tchernobyl, attentats de New York, tsunami des côtes de l'Océan indien, catastrophe de Fukushima, refus de l'Espace économique européen et… acceptation de l'initiative UDC contre l'immigration de masse.

Cela fait donc une année que le peuple et les cantons ont voté, à une petite majorité, en faveur d'un nouvel article de la Constitution fédérale qui demande que la Suisse fixe des contingents pour limiter l'arrivée d'étrangers sur son territoire, et renégocie si nécessaire les traités internationaux qui empêcheraient cela – en l'occurrence l'accord bilatéral sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l'Union européenne.

Cette initiative était primaire et peu réfléchie. Elle s'attaquait à un vrai problème – une immigration massive et incontrôlée – mais en tirant à côté de la cible, avec autant de délicatesse que les «frappes chirurgicales» de l'armée américaine. Elle ne proposait en effet aucune distinction entre les étrangers dont la présence nous honore et nous ravit – indépendamment du fait qu'ils contribuent à notre prospérité économique – et ceux qui nous… comment l'écrire poliment?… qui ne participent que très modérément à notre épanouissement, sans compter qu'ils nous coûtent des fortunes colossales en aides sociales, en allocations de chômage, en frais de sécurité et sanitaires et en réparations innombrables. En d'autres termes, la Suisse va devoir maintenant fixer des contingents d'immigration sans savoir si les dix mille, vingt mille ou peut-être cinquante mille personnes qui en bénéficieront chaque année seront de braves travailleurs ou de fieffés emmerdeurs.

Les problèmes liés à l'immigration ne seront pas résolus, mais beaucoup d'entreprises – celles qui respectent la loi, pas celles qui engagent au noir – vont avoir davantage de difficultés et de coûts pour engager des travailleurs français, allemands, ou d'autres Etats européens relativement civilisés. Ce ne sera pas la fin du monde, on trouvera des solutions, mais ce n'est tout de même pas très intelligent.

A cela s'ajoute que les accords bilatéraux, qui ont offert jusqu'ici un cadre supportable à nos relations avec l'Empire bruxellois (compte tenu des rapports de force, et nonobstant le fait que la Suisse aurait très bien pu les appliquer avec plus de «légèreté», à l'instar des autres pays européens), ces accords donc risquent de devoir être renégociés – face à des eurocrates qui nous détestent – ou abandonnés au profit d'une autre forme de coexistence dont on peut craindre – connaissant l'état d'esprit des négociateurs helvétiques – qu'elle ne soit pire. Là encore, ce ne sera pas la fin du monde, on trouvera des solutions, mais ce n'est tout de même pas très intelligent.

Tous ceux qui déplorent cette situation – avec un discours souvent «bien pensant», platement libéral et moins lucide que celui que nous tenons ici – peuvent donc adresser leurs doléances aux journalistes et politiciens socialistes et libéraux-radicaux qui ont fait passer cette initiative. Car ce sont eux, et eux seuls, qui sont responsables de son succès. Les partisans n'ont pas eu à convaincre: les opposants s'en sont chargés, en méprisant les craintes de la population, en ignorant ses avertissements et en refusant soigneusement d'entreprendre quoi que ce soit qui eût pu freiner une évolution qui inquiétait pourtant tout le monde. Même au moment où il est clairement apparu que l'initiative de l'UDC séduisait au-delà du cercle des électeurs de ce parti et que de nombreux Suisses allaient voter ce texte comme on actionne une sirène d'alarme, nos «élites» ont continué à se boucher les yeux et les oreilles et à marteler des slogans tels que «l'immigration est une chance pour la Suisse!», ce qui a achevé de pousser les citoyens encore indécis dans le camp du oui.

Aujourd'hui, messieurs-dames de la nomenklatura médiatico-politique, débrouillez-vous pour appliquer ce nouvel article maladroit que vous avez fait inscrire dans la Constitution.

Pollux

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