Nation et indépendance, le catalanisme en question (2)

Les relations de la Catalogne avec le pouvoir central se tendent à partir de 2006 et l'annulation par la cour constitutionnelle du troisième statut d'autonomie, négocié avec le gouvernement de Zapatero et accepté par la population catalane en référendum. Cet événement manifeste la tendance centralisatrice inaugurée dans les années 1990. 2010 verra, avec la victoire de CiU1 aux élections et l'arrivée d'Artur Mas à la présidence, le début d'un changement d'attitude de la part du gouvernement catalan, qui va chercher à obtenir une augmentation de ses prérogatives et de son autonomie, en particulier en matière économique, avec la proposition du «pacte fiscal» censé compenser en partie le déséquilibre entre les sommes payées par les Catalans au gouvernement central au titre de participation à l'effort commun et les investissements réalisés sur le territoire catalan. Les propositions sont balayées par Mariano Rajoy, qui oppose une fin de non-recevoir à toutes les tentatives des Catalans de négocier avec le gouvernement central une amélioration de leur situation. Cette désinvolture frisant le mépris ressemble à une bourde politique et cette attitude du président espagnol et des membres de son parti a très certainement contribué de manière décisive à l'explosion du nombre d'indépendantistes en Catalogne, car les Catalans sont excédés d'être non seulement considérés comme des vaches à lait, mais qui plus est de souffrir d'un manque de considération généralisé dans le reste du pays.

Ces derniers mois, le feuilleton change de rythme et on entre dans la bataille rangée. D'un côté une alliance de partis hétéroclites favorables à une consultation du peuple sur l'avenir de la nation catalane et de l'autre le parti populaire et le gouvernement central, les premiers s'efforçant de trouver une solution à la fois légale et politiquement consensuelle pour permettre l'expression de la volonté populaire dans les urnes, les seconds refusant tout dialogue et attaquant les lois votées par le parlement catalan devant le tribunal constitutionnel.  Dans l'impasse en raison de l'effet suspensif des recours que le gouvernement de Mariano Rajoy  présente à chaque tentative du président Mas de convoquer une consultation, ce sont finalement des volontaires et la société civile qui organisent, le 9 novembre dernier, une consultation sans valeur juridique, mais qui symboliquement est un pied de nez au gouvernement de Madrid. Lors du scrutin, plus de deux millions trois cent mille résidents se déplacent aux urnes, un peu plus de 30% de la population en âge de voter, desquels plus de 80% se prononcent en faveur de l'indépendance et de la séparation de l'Espagne, 10% pour une solution de type fédéraliste et 4,5 % pour le maintien de la situation actuelle. Ce résultat présenté par les organisateurs comme une grande victoire est en réalité en demi-teinte. On peut supposer que la votation n'ayant pas de véritable valeur, les opposants à l'indépendance ne se sont que très peu déplacés, au contraire des partisans toujours prêts à faire entendre leur voix. Or 80% de 30% ne représentent finalement que 24% de citoyens en faveur de la sécession.

Au lendemain du scrutin, le président Mas semblait espérer que le résultat provoquerait chez Mariano Rajoy une réaction qui conduirait à la réouverture du dialogue. Il n'en fut rien et la décision de convoquer des élections anticipées, comme seule manière d'obtenir un vote sur l'indépendance, pour le 27 septembre prochain vient de tomber. L'idée est de focaliser la campagne sur la question de l'indépendance afin de pourvoir donner au résultat du vote une interprétation dans un sens ou dans un autre.  A suivre….

Michel Paschoud

[1] Convergència i Uni³, parti de centre droite.

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