Une initiative indispensable

Les enfants ne savent plus faire du vélo. Leurs parents craignent pour eux les dangers du trafic. Il y a des cyclistes adultes qui n'osent plus rouler dans les localités parce qu'ils ont peur. Le bon peuple ne voit pas que la bicyclette est le moyen de transport du XXIe siècle, qu'il ménage l'environnement, qu'il est bon pour la santé, qu'il économise de la place sur les routes et dans les transports publics.

Que voilà une situation consternante!

Si l'on n'y prenait garde, nous n'aurions plus, bientôt, le privilège de voir des «cyclistes déguisés en cyclistes», portant tenues moulantes et casques aérodynamiques, violer allégrement les règles de la circulation routière;  nous n'aurions plus la joie ineffable d'être menacés dans notre intégrité corporelle par des vélocipédistes maladroits zigzaguant sur les trottoirs de nos belles cités; nous ne pourrions même plus plaindre et moquer gentiment les amateurs de grimpe à deux roues gravissant au rythme de dix tours de pédale par seconde les rues pentues de la bonne ville de Lausanne.

Nous avons donc appris avec un indicible soulagement le lancement, le 5 mars, d'une initiative populaire fédérale «pour la promotion des voies cyclables  et des chemins et sentiers pédestres». Quelle bonne idée! Comme ça, la Confédération pourra se livrer à l'un de ses exercices favoris, à savoir imposer des mesures d'encouragement, de coordination et d'harmonisation – dans le strict respect des compétences des cantons, cela va de soi.

Si l'un des buts de l'initiative fédérale est d'obtenir davantage d'infrastructures en faveur du trafic cycliste – les chemins et sentiers pédestres figurent déjà dans l'art 88 de la Constitution fédérale que veulent modifier les initiants –, son objectif premier n'en reste pas moins, selon ses thuriféraires, une «révolution culturelle» qui doit permettre au vélo de «prendre plus de place dans les têtes»1.

Il s'est trouvé quelques originaux pour faire remarquer que les cantons et les communes pourraient parfaitement se charger de cette histoire de promotion du vélo. C'est déjà moins débile que la démarche des pédaleurs militants, mais ce n'est pas satisfaisant non plus: ce qui prend plus ou moins de place dans les têtes doit continuer à relever de la sphère privée.

Les amateurs de vélo veulent que tout le monde fasse du vélo. Les végétaliens souhaitent convertir la terre entière au culte du seul légume. Bientôt, il ne sera plus possible d'adhérer à ce qu'on appelait autrefois les bonnes mœurs sans être taxé d'homophobie ou de sectarisme. Nous vivons sous la férule d'innombrables petits dictateurs qui nous empoisonnent la vie au nom de la santé, de l'environnement, de l'ouverture et de la liberté.

Que faut-il donc faire pour qu'on nous fiche la paix?

Mariette Paschoud

1 www.24heures.ch du 5 mars 2015

Thèmes associés: Coups de griffe - Politique fédérale

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