Trop lents à réagir

Le journal 20 minutes, dans son édition du 13 avril 2015, nous relate un cas de racisme et de violence survenu lors d'un match de football qui opposait, dans le canton de Vaud, les joueurs d'Orbe à ceux de Bex. La présidente du club urbigène déclare: «Notre gardien brésilien a essuyé non-stop des propos orduriers de la part des joueurs de Bex sur sa couleur de peau ou sur sa maman.» Il aurait été traité de «sale négro de merde» et de «macaque». Quant au responsable du club bellerin, il rétorque: «Il a littéralement pété un câble […]. Il a agressé physiquement et craché sur deux de mes joueurs.» Le match a dû être interrompu par crainte qu'il ne dégénère en bataille rangée.

Et chacun de gémir sur l'agressivité et le racisme qui se répandent dans ce beau sport d'amitié et d'humanité qu'est le football.

A la fin de l'article – qui n'est certes pas bien long –, le responsable du club de Bex exprime son désarroi et son incrédulité: «Avec 90% de joueurs d'ex-Yougoslavie, nous sommes aussi victimes de xénophobie chaque semaine. Je ne peux pas croire que mes gars aient dit de telles choses.»

On comprend qu'il ne puisse pas le croire, puisque les organisations antiracistes, depuis des années, convainquent la population que le racisme est le fait des Suisses, et plus généralement des populations blanches européennes, tandis que les immigrés issus du monde musulman, des Balkans ou d'Afrique sont des gens ouverts et tolérants.

Une question impertinente nous vient cependant à l'esprit: comment se fait-il qu'un club de football d'une petite localité vaudoise puisse être composé à 90% de ressortissants de l'ex-Yougoslavie (expression officielle pour désigner généralement des Albanais du Kosovo)?

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Toujours dans 20 minutes, le 17 avril, nous découvrons la mésaventure d'une conductrice qui s'est fait retirer son permis de conduire lors d'un contrôle de routine de la police cantonale zuricoise. Selon l'article, cette dame n'avait pas commis de faute de circulation ni consommé d'alcool ou de drogue, mais l'agent «a jugé que ses yeux étaient trop lents à réagir au stimulus de sa lampe de poche». Il s'agit d'une nouvelle méthode utilisée par la police pour évaluer «si un conducteur peut être sous l'influence de drogue». Toujours selon le journal, la conductrice a récupéré son permis après cinq semaines, lorsque les tests sanguins ont confirmé l'absence d'alcool et de drogue. Le porte-parole de la police zuricoise «n'a pas souhaité commenter cette affaire».

Il y a encore dix ou quinze ans, nous aurions soupçonné le journaliste d'avoir exagéré, déformé la réalité, ou caché certains éléments. Mais dans le contexte actuel, cette histoire inquiétante apparaît hélas réaliste. Contrairement aux «chouchous du régime», qui bénéficient d'une impunité quasi complète, les automobilistes sont en effet considérés comme des «citoyens déviants» envers lesquels l'intérêt collectif justifie les harcèlements les plus grotesques et les répressions les plus absurdes. Pyongyang n'est plus très loin…

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C'est ainsi que, chaque jour, en lisant la presse, nous assistons passivement à la dégradation de notre cadre de vie et à la dérive totalitaire de notre société. Un des nœuds du problème réside sans doute dans ce qui a été reproché à cette malheureuse conductrice: nous sommes trop lents à réagir.

Pollux

Thèmes associés: Justice - Société - Sports

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